Pages

jeudi 27 juillet 2017

Spirit retrouvée vivante!

Spirit, la femelle faucon pèlerin qui nichait à l'Université de Montréal depuis 2009 et pour laquelle on craignait le pire après qu'elle eut été chassée par une autre femelle en juin, a été retrouvée en piteux état mais vivante ce 24 juillet. Elle a été acheminée à la clinique des oiseaux de proie de Sainte-Hyacinthe où elle est présentement soignée.

Spirit à la Clinique des Oiseaux de Proie (crédit: Christian Fritschi)

Localisation de Spirit et acheminement à la Clinique des Oiseaux de Proie

C'est un camionneur qui a découvert le faucon pèlerin au sol près des quais de chargement à l'arrière du 8600 Décarie, pas très loin de la Métropolitaine. Cet endroit est situé à environ 4 kilomètres à l'ouest de l'Université de Montréal. Le camionneur a eu le bon réflexe de signaler le faucon (peu de gens le savent mais c'est une obligation légale de signaler un faucon pèlerin trouvé blessé ou mort, - tout comme d'ailleurs n'importe quel autre oiseau de proie; je vous réfère à cette page de l'UQROP pour les numéros de téléphone). Le signalement a été reçu par l'UQROP (Union Québécoise de Réhabilitation des Oiseaux de Proie), soit directement, soit via un intermédiaire. L'UQROP a alors confié à un de ses bénévoles, Christian Fritschi, la mission de capturer puis d'apporter l'oiseau à Sainte-Hyacinthe. Cela a été fait entre 11h45 et 13h le 24 juillet, tel qu'indiqué dans ce message de Christian sur la page Facebook de Faucons de l'UdeM. Le faucon était perché sur une palette de bois à son arrivée sur place:

Spirit juste avant sa capture (crédit: Christian Fritschi)

Grâce aux indications très précises de Christian (merci Christian!) j'ai facilement retrouvé l'endroit le lendemain matin. J'ai ainsi découvert que le faucon avait été trouvé au pied d'une ancienne tour à eau qui semblait faire un excellent perchoir pour faucon pèlerin:
Ancienne tour à eau d'Ericsson vue du boulevard Décarie


Spirit avait-elle chuté? Ou bien a-t-elle été 'descendue', par exemple par un autre faucon pèlerin? Le lendemain matin j'observais en effet un autre faucon pèlerin perché sur la tour... Cette partie de l'histoire fera l'objet d'un article séparé, je me contenterai juste ici de donner le lien vers l'annonce que j'ai faite sur ma page Facebook de la découverte de ce faucon.


État de santé de Spirit

Faucons de l'UdeM a relayé les premières constatations du docteur Guy Fitzgerald quelques heures après l'admission du faucon à la clinique: on apprend que Spirit a plusieurs plaies autour du bec ainsi que de l'arthrite à l'aile droite et qu'elle est très maigre. Le docteur Fitzgerald pense pouvoir la sauver mais ne peut pas encore se prononcer sur sa capacité à voler de nouveau un jour. Une radiographie a révélé le lendemain qu'elle a également souffert d'une fracture à la hanche droite qui a cependant guéri toute seule.


Comment aider l'UQROP

Un des rôles de la Clinique des Oiseaux de Proie est de former les étudiants et à ce titre elle est financée en partie par l'Université de Montréal. Pour la réhabilitation des oiseaux en revanche, qui suppose des soins quotidiens pendant une période plus ou moins longue, l'UQROP ne reçoit aucun financement récurrent. Si vous le souhaitez et que vous en avez la possibilité, vous pouvez aider l'UQROP en faisant un don. Un autre moyen de contribuer aux efforts de l'UQROP est d'aller visiter le centre d'interprétation Chouette à voir.  Pour connaitre d'autres moyens d'aider (membership, parrainage d'un oiseau, ...), cliquez successivement sur les onglets "A propos de nous" puis "Comment nous aider" sur la page d'accueil de l'UQROP.

À noter que plusieurs enfants et petits-enfants de Spirit ont déjà été soignés par l'UQROP dans le passé:
  • Eve, un des fauconneaux de Spirit de 2010, a été transférée à l'UQROP alors qu'elle était âgée d'un peu plus de 1 mois. Elle n'a malheureusement pas survécu à sa maladie (ce faucon ne doit pas être confondu avec la compagne non baguée d'Éole, également appelée Eve).
  • Achille en juin 2015 après un accident à son 2ième jour de vol. Les parents d'Achille sont Algo et Polly,  tous deux nés en 2009 à l'Université de Montréal de l'union de Spirit et Roger. Achille a pu être relâché 2 semaines plus tard.
  • Un fauconneau d'Éole en juillet 2015 (église Saint-Marc). Le fauconneau avait été embarqué par la police après avoir été trouvé sur le trottoir à 1 heure du matin... Il a passé un examen médical à l'UQROP, qui n'a révélé qu'une plume brisée. Le fauconneau a rejoint ses 3 frères et sœurs ainsi que ses parents quelques jours plus tard. Éole est un fils de Spirit, né en 2011 à l'Université de Montréal.
  • Un fauconneau d'Éole en 2016 (incinérateur des Carrières). Le fauconneau a été transféré à l'UQROP le 28 juillet après s'être blessé en chutant du nid. Après avoir été soigné, le fauconneau a été confié en adoption à un couple de faucons pèlerins de l'UQROP qui lui ont appris à voler.  Le fauconneau a finalement été relâché le 25 août près de l'incinérateur des Carrières. Tel qu'indiqué plus haut, Eole est un fils de Spirit.


Cet article a été publié le 2 août 2017.


 

mardi 18 juillet 2017

De l'action et des émotions à l'Oratoire Saint-Joseph ce week-end

Un faucon pèlerin qui utilise un perchoir de Spirit après le coucher du soleil, un autre qui a des comportements de juvénile et qui se perche là où se perchait un juvénile en 2014, une âpre dispute à propos d'une proie entre 2 faucons pèlerins: les faucons pèlerins m'ont fait passer par toute une gamme d'émotions à l'Oratoire Saint-Joseph ce week-end! Mais il m'a bien fallu revenir sur terre: il semble bien que les faucons pèlerins n'étaient autre qu'Éole et la nouvelle femelle de l'Université de Montréal, qui ont pris un peu de distance avec l'université. Particulièrement Éole puisque la femelle continue de fréquenter l'université.

Un faucon pèlerin au comportement de juvénile

Dimanche 16 juillet un faucon pèlerin a semblé tenter à plusieurs reprises de se poser sur la surface du dôme de l'Oratoire, une entreprise très difficile voire impossible. Ce genre de comportement est souvent observé chez les fauconneaux, qui n'ont par encore acquis assez d'expérience pour juger correctement de ce qui est possible ou non. Mais dans ce cas il est très vite apparu que le faucon était un adulte et non un juvénile:
Le faucon qui semblait vouloir se poser sur le dôme
L'observation a été faite une heure avant le coucher du soleil. Une possibilité est qu'il tentait d'attraper des insectes.

Un autre comportement intrigant d'un faucon - probablement le même - est l'utilisation du lanterneau comme perchoir:

Ce comportement a été observé à plusieurs reprises samedi et dimanche en fin de journée. En fait c'est l'observation aux jumelles depuis l'université d'un faucon qui volait au niveau de la coupole et qui s'est apparemment perché sur le lanterneau qui m'a conduit à l'Oratoire samedi vers 19h45. Et effectivement à mon arrivée le faucon était bien sur le lanterneau. Dimanche soir il était présent sur ce type de perchoir jusqu'à 20h38. Ce qui est particulier avec ce perchoir, c'est que je ne me souviens pas avoir jamais vu un adulte l'utiliser. En revanche l'endroit était utilisé en 2014 par un fauconneau: 
Fauconneau sur le lanterneau - 20 septembre 2014

Un faucon sur un perchoir de Spirit après le coucher du soleil

À 20h24 le samedi 15 juillet, 2 faucons pèlerins sont présents à l'Oratoire: un en vol au niveau du dôme et l'autre dans la partie droite du toit de la façade avant de l'Oratoire. Ce dernier faucon s'est envolé à 20h30 vers la façade donnant sur le parking supérieur où il s'est perché sur l'ornement central.

 
Mon excitation augmentait au fur et à  mesure que le temps passait. Ce perchoir a en effet été utilisé plusieurs fois par Spirit avant qu'elle rejoigne son perchoir de nuit sur la façade avant. Le soleil s'est couché à 20h40 d'après le Conseil National de Recherche du Canada. À 21h le faucon était toujours là... Le faucon s'est finalement envolé à 21h10, est parti tout droit et a effectué une boucle qui l'a amené à passer du côté de la façade avant... À ce stade-là un faucon sur un des perchoirs de nuit de la façade avant aurait été une sérieuse indication du retour de Spirit. Mais malheureusement ces perchoirs étaient vides.

Voici une photo du faucon alors qu'il était encore sous le toit:
Il pourrait s'agir d'Éole.

Une proie âprement disputée

Chaque année il y a un moment que les femelles faucon pèlerin détestent: c'est lorsque leur mâle cesse de les approvisionner en nourriture! Ce moment est apparemment arrivé pour la femelle de l'université de Montréal. Il faut dire que la frustration de la femelle était d'autant plus compréhensible que les 2 faucons ont attaqué ensemble la proie...

Ça s'est passé à 6h du matin le dimanche 16 juillet à l'Oratoire. Je venais juste d'arriver devant l'Oratoire quand j'ai vu un faucon s'envoler vers le boisé du côté de la maison des Petits Chanteurs du Mont-Royal. Quelques instants plus tard 2 oiseaux ont émergé sur une trajectoire différente: le faucon et sa proie: la proie avait donc échappé au faucon. Malheureusement pour la proie, elle n'a eu aucune chance avec le 2ième faucon qui suivait immédiatement après!

Le faucon qui a capturé la proie l'a amené à l'Oratoire mais le premier faucon exigeait sa part. Cette situation a conduit à au moins 6 déplacements de la proie, et ce nombre est probablement bien supérieur puisque j'ai perdu à plusieurs reprises les faucons de vue. Un faucon a même tenté de s'emparer de la proie en vol!

Comme je ne peux pas totalement exclure que les faucons ont changé de rôle à certains moments, je vais référer aux 2 faucons par les lettres A (le 1er faucon) et B (le 2ième faucon) et raconter ce qui s'est passé en supposant qu'il n'y a pas eu échange de rôle. Je donnerai ensuite des arguments en faveur de l'hypothèse que le mâle était constamment celui avec la proie (donc B).

Voici un timeline approximatif, basé sur mes enregistrements:
  • 6h02mn30s: moment de la capture. B a ensuite amené la proie dans la partie droite du toit de la façade avant, aussitôt rejoint par A.
  • (1) 6h04mn14: B quitte le toit avec la proie, manifestement peu à l'aise avec la présence de A. Ce n'est que le premier d'une longue série de déplacements de la proie!
  • 6h06mn42:  B ramène la proie dans la partie droite du toit, immédiatement suivi par A. Auparavant la proie avait été soit promenée dans le ciel, soit amenée sur une corniche à la base du dôme.
  • (2) 6h06mn54: B repart avec la proie.
  • 6h07mn38: B a amené la proie sur une sculpture sous le sommet du toit.
  • 6h08 à 6h17: répit pour B qui plume la proie et mange; A est perché à la base du toit et se plaint par intermittence.
  • (3) 6h17mn43: A rejoint B qui s'envole immédiatement avec la proie. 
  • 6h18mn04: A quitte à son tour.
  • 6h18mn55: B revient au même endroit avec la proie.
  • (4) 6h22mn16: A le rejoint; B décolle aussitôt avec la proie.
  • (5) 6h22mn35: B a amené la proie dans la partie gauche du toit, immédiatement suivi par A. Se passe alors quelque chose qui est désormais en bonne place parmi les moments spéciaux que les faucons m'ont fait vivre. B redécolle avec la proie mais A a mis sa patte dessus et ne lâche pas! Déséquilibrés, les faucons perdent rapidement de l'altitude tout en se dirigeant droit vers moi... A finit par lâcher et B me survole avec la proie. Quelques secondes de pures émotions!  J'ai perdu de vue les 2 faucons par la suite.
  • 6h28mn44: B revient sous le sommet du toit avec la proie.  
  • (6) 6h29mn26: B amène la proie sous la partie droite du toit après avoir été rejoint par A. A ne semble pas bagué à la patte droite.
  • 6h33mn58: B est de retour sous le sommet du toit. Il ne sera plus dérangé.
  • 6h42mn56: A est dans la partie gauche du toit. Il n'est pas bagué.
  • 6h44mn10: A s'est envolé. Comme j'anticipais un nouveau dérangement de celui qui mangeait, j'ai redirigé la caméra vers le sommet du toit, ce qui m'a empêché de voir où A est allé.
  • 6h45mn14: B s'est envolé à son tour, cette fois-ci sans la proie. Je l'ai perdu de vue au-dessus de l'université de Montréal. 

Repas mouvementé pour un faucon pèlerin à l'Oratoire Saint-Joseph - 16 juillet 2017

Qui étaient les faucons? Une certitude: à la toute fin, le faucon qui n'avait pas la proie n'était pas bagué à la patte droite, ce qui suggère à tout le moins que la femelle de l'université de Montréal était impliquée:
Faucon non bagué à la patte droite à 6h43
Ceci n'est pas suffisant pour prouver que la femelle n'avait jamais le contrôle de la proie puisqu'elle a pu la laisser au mâle après avoir suffisamment mangé. Un autre indice est que l'on retrouve la femelle à 4'41'' dans la vidéo (6h29) au moment où l'autre faucon part avec la proie.  Mais ce n'est pas non plus une preuve puisque c'était peut-être justement le moment où la femelle a laissé la proie au mâle. On remarque cependant qu'il y a eu un autre transport de la proie par après puisque le faucon est revenu manger la proie sous le sommet du toit.  Finalement une dernière indication que la femelle n'avait pas mangé - ou peu - est que je l'ai retrouvée un peu plus tard sur un toit de l'université de Montréal en train de... manger.
 

Tentative d'identification des faucons

Compte tenu de la présence d'au moins un faucon pèlerin juvénile dans le secteur de l'université de Montréal ces derniers jours et de la disparition de Spirit le 10 juin (articles à venir) - sans compter de la toujours possible visite d'un ancien rejeton de Spirit - l'identification des faucons étaient particulièrement importantes.

J'ai déjà mentionné dans la section précédente qu'au matin du 16 juillet un des faucons impliqués dans le non-partage de la proie était non bagué à la patte droite, ce qui suggère que c'était la nouvelle femelle de l'université de Montréal.

Dans la soirée du 16 juillet, un des faucons était bagué à la manière des fauconneaux de l'Université de Montréal et était vraisemblablement Éole:

Faucon bagué à la patte droite - 16 juillet 2017, 19h51

Le même faucon est aussi bagué à la patte gauche - 16 juillet, 19h53
Dans la 2ième photo on croit reconnaitre un "3" comme dernier chiffre inférieur, or la bague d'Éole est E83.

Dans mon esprit il ne fait pas de doute que le couple de faucon pèlerin de l'université de Montréal était présent à l'Oratoire Saint-Joseph ce week-end. Y avait-il d'autres faucons? À cela je ne peux pas répondre. 


La femelle toujours partiellement à l'Université de Montréal

Durant les 2 jours j'ai pu observer également la femelle à l'Université de Montréal. En revanche elle était seule.

Le 15 juillet, je suis arrivé à 17h50 à l'Université de Montréal. Un faucon est arrivée 4 minutes plus tard en provenance du cimetière et s'est perché sur la colonne la plus à droite de la façade de la tour donnant vers ce même cimetière. À 18h04 il s'est mis à vocaliser sans que j'arrive à trouver une raison valable. Il s'est envolé 1 minute plus tard, a fait une escale d'une quarantaine de secondes à gauche du nichoir avant de partir vers le pavillon André-Eisenstadt et de virer ensuite vers le cimetière. La femelle (une photo montre que le faucon n'est pas bagué)  est revenue se percher sur la tour à 18h21 qu'elle a quitté silencieusement à 18h37 en direction approximativement de l'Oratoire. C'est en scrutant l'Oratoire aux jumelles à la suite de ce départ que j'ai aperçu un faucon volant au niveau du dôme de l'Oratoire.

Le lendemain matin je me suis rendu à l'Université de Montréal après avoir suivi depuis l'Oratoire un faucon aux jumelles jusqu'à l'Oratoire. J'ai trouvé la femelle à 7h44 perchée sur le toit d'un bâtiment de l'université de Montréal:
Faucon sur un toit de l'université (nouveau perchoir) - 16 juillet, 7h44
Elle s'est mise à manger puis s'est envolée à 7h54. (En la recherchant j'ai photographié l'Oratoire Saint-Joseph  sans m'apercevoir à ce moment-là qu'il y avait un faucon perché sur l'ornement de droite de la façade avant...). Je l'ai retrouvée à 8h28 sur le même toit de l'université.  Elle s'est presque immédiatement envolée et s'est perchée sur un toit du bâtiment pyramidal.  À 8h31 elle a quitté ce toit pour aller se percher sur la tour de l'université de Montréal, sur la façade donnant vers le pavillon André-Eisenstadt, où elle était encore à 9h quand j'ai quitté.


Conclusion

Ces observations laissent plusieurs questions en suspens, qui je l'espère seront répondues par d'autres observations, en particulier:
  • Qui est le faucon qui se perche sur le lanterneau?
  • Que signifie le comportement ressemblant à une tentative de se poser sur le dôme?
  • Les faucons sont-ils aussi présents à l'Oratoire en journée?
  • Un des faucons dort-il à l'Oratoire?




lundi 17 juillet 2017

Un faucon pèlerin juvénile trouvé mort à l'Université de Montréal!

Les restes d'un faucon pèlerin juvénile ont été trouvés le 12 juillet par Christian Trudeau sur le toit du pavillon Marcelle Coutu de l'Université de Montréal. D'après le docteur Guy Fitzgerald qui a identifié l'oiseau il s'agirait d'un jeune de cette année (propos rapportés par Faucons de l'UdeM). A priori rien de très étonnant à trouver un fauconneau mort sur le campus de l'Université de Montréal puisqu'il est bien connu que la tour de l'université abrite un couple nicheur depuis plusieurs années et que le taux de mortalité des faucons pèlerins est particulièrement élevé lors de leur première année (50 à 75% d'après cette fiche du ministère de la faune). Il y a juste un petit hic: aucun fauconneau n'est né à l'Université de Montréal cette année (ni l'année dernière d'ailleurs)!! Triste ironie: comme si ce n'était pas déjà assez triste de ne pas voir de naissance à l'université de Montréal, il a fallu en plus qu'un fauconneau né ailleurs vienne y mourir!

La découverte

Le matin du 12 juillet Christian Trudeau a remarqué des plumes qui tombaient du toit du pavillon Marcelle Coutu. Intrigué il est monté sur le toit et a ainsi découvert les restes d'un oiseau, qui malgré l'absence de pièces cruciales comme le bec ou les pattes, lui semblait être un faucon. La photo ci-dessous montre l'endroit où les restes ont été trouvés (merci à Christian Trudeau pour m'avoir précisé cet endroit et pour avoir répondu à mes autres questions):
Pavillon Marcelle Coutu avec indication de l'endroit où les restes ont été trouvés

 D'après l'état des restes, la mort remontait à plusieurs jours selon Christian Trudeau.

Morceau de l'oiseau (crédit: Christian Trudeau)

Un autre morceau (crédit: Christian Trudeau)
Pensant qu'il s'agissait de Spirit - qui a été chassée par une autre femelle le 11 juin et qui n'a plus été revue depuis - Christian Trudeau a posté un message sur la page Facebook de Faucons de l'UdeM avec une photo, à 10h03. Ironiquement, au même moment, Faucons de l'UdeM procédait au retrait des 3 œufs de Spirit et Éole, marquant ainsi officiellement l'échec de la saison 2017 de nidification du faucon pèlerin à l'Université de Montréal.

Les 3 œufs et les restes de l'oiseau ont été acheminés le lendemain à la clinique des oiseaux de proie de Sainte-Hyacinthe par Eve Belisle. De leur examen par le docteur Guy Fitzgerald, il est ressorti que les œufs étaient infertiles et que l'oiseau mort était un faucon pèlerin juvénile de cette année (à noter que la série de 5 photos publiées par Faucons de l'UdeM contient  cette intéressante photo de l'ensemble des restes du fauconneau).


Que s'est-il passé? Quelques observations possiblement liés - ou pas

Le fauconneau a de toute évidence été mangé par un autre oiseau. La fragmentation des restes n'est pas caractéristique de l’œuvre d'un faucon pèlerin ni d'un épervier à ma connaissance. L'hypothèse d'un grand duc d'Amérique a été avancée par Eve Belisle et Richard Dupuis de Faucons de l'UdeM. Un grand-duc est régulièrement observé dans les cimetières qui jouxtent l'université de Montréal (rapport eBird du 31 mars 2017) ou dans le parc du Mont-Royal (interaction entre 2 faucons pèlerins et un grand duc, novembre 2012). Le fait qu'une partie de la proie ait été emporté semble éliminer l'urubu. Il faut aussi tenir compte que le prédateur a pu agir sur le territoire des faucons pèlerins, ce qui suggère un prédateur nocturne.

Une autre question sans réponse est si le prédateur a attrapé un fauconneau en pleine santé ou s'il a profité d'une maladie ou d'un accident du fauconneau. Il est difficile d'ignorer ici que le fauconneau a été trouvé sur le territoire d'un couple de faucon pèlerin. J'examinerai en particulier l'implication possible de la nouvelle femelle dans la prochaine section mais un scénario possible - parmi d'autres - est qu'il y ait eu une poursuite qui s'est terminée par une collision du fauconneau avec l'édifice, ou même une bataille qui a entrainé des blessures ou la mort du fauconneau. Le fauconneau aurait alors été une proie facile pour un prédateur.

Dans ce qui suit, j'évoque des observations qui pourraient avoir un lien (ou pas) avec ce qui s'est passé.
  • Cris d'alarme. Le 8 juillet via la caméra et le matin du 9 juillet sur place, j'ai pu entendre un faucon pèlerin alarmer. Le 9 juillet à 11h31 j'ai pu constater qu'il s'agissait de la nouvelle femelle. Je n'ai pas réussi à identifier la cause de l'alarme mais comme j'étais adossé au pavillon Armand Bombardier de l'École Polytechnique mon champ de vision était sérieusement limité. Cependant 5 minutes plus tard, alors que je m'étais déplacé pour avoir une meilleure vue, un urubu est apparu au-dessus du pavillon Armand Bombardier à une altitude relativement basse et s'est dirigé vers la tour. Arrivé au-dessus de la route il a bifurqué vers le cimetière. Le faucon n'a pas réagi cette fois-là. Se pourrait-il que l'urubu avait déjà fait une manœuvre similaire 5 minutes plus tôt et que le faucon pèlerin l'ait averti? Ou bien les cris d'alarmes étaient-ils causés par autre chose?
  • Le 11 juillet vers midi, Eve Belisle a observé 2 faucons pèlerins qui se déplaçaient lentement en décrivant des cercles en direction de l'Oratoire Saint-Joseph et a entendu ce qui semblait être des cris de juvénile (elle m'avait parlé de ça lorsqu'elle m'avait montré les œufs le 12 juillet lors d'une discussion sur les cris de la nouvelle femelle). Il semble donc qu'au moins 1 - et probablement 2 - juvénile ait survolé le campus la veille de la découverte des restes. Il se pourrait que le fauconneau mort soit un autre individu que celui observé par Eve Belisle, ou bien il s'est passé quelque chose durant l'après-midi ou la nuit.
  • Le 15 juillet, à ma grande surprise, j'observe de nouveau un faucon pèlerin juvénile sur la Tour de la Bourse. Cela faisait 2 semaines que je n'avais pas vu clairement un juvénile dans ce secteur (ce que je voyais durant cette période semblait être un adulte). Le nid de la Tour de la Bourse est une origine possible pour le fauconneau mort. Comme tous les adolescents, les fauconneaux ont hâte de s'éloigner de la maison et de vivre leurs propres expériences. Et quand les choses tournent mal (nourriture difficile à attraper, rencontre avec d'autres oiseaux de proie, ...) ils reviennent près du nid, réalisant qu'ils ont encore des choses à apprendre de leurs parents...    


La femelle faucon pèlerin de l'Université de Montréal a-t-elle pu jouer un rôle dans la mort du fauconneau?

Les faucons pèlerins sont généralement tolérants face à des juvéniles, même s'ils ne sont pas d'eux, au point parfois de les adopter et de les nourrir. Cela avait d'ailleurs été mis à profit en juillet 2015 lorsqu'une jeune femelle trouvée blessée à Trois-Rivières avait été relâchée à l'Université de Montréal après avoir été soignée à l'UQROP. La jeune femelle avait été assez rapidement adoptée par la famille de faucon pèlerin de l'université de Montréal, famille qui était alors composée de 2 adultes et de 3 fauconneaux femelles. Mais le contexte de cette année est totalement différent: non seulement la femelle actuelle n'a pas eu de bébé mais elle a conquis durement le territoire de l'université de Montréal au cours des dernières semaines, en chassant l'ancienne femelle (Spirit) le 10 juin et en repoussant une contre-offensive le 11 juin. C'est par ailleurs possiblement la même femelle qui s'est battue avec Spirit dans le nichoir le 26 avril. Dans ce contexte, se pourrait-il que la réaction de la femelle soit un petit peu moins accueillante? J'ai posé la question sur le forum Bird Cams Around the World.

L'une des conceptrices du site - "Skygirlblue" - a répondu " I think most of us assume that newly fledged youngsters are given a pass by non-parental birds, but there is documentation that this isn't always true". Puis elle a illustré son propos avec 2 cas que je développe ci-dessous. Elle pense cependant - ainsi qu'une autre intervenante ("Bev") - que l'hypothèse la plus probable pour la mort du fauconneau est une collision avec le bâtiment.

Pour être complet, je mentionne que ce n'est pas la première fois qu'un oiseau de proie est retrouvé mort sur le territoire des faucons pèlerins: en effet le 20 mai 2014 une buse à queue rousse juvénile avait été retrouvée morte sur le campus mais il n'y avait alors pas eu de prédation et il s'agissait probablement d'une défense de territoire normale de la part des faucons en pleine période de nidification.

Norwich (Grande-Bretagne), 2016 - attaque des fauconneaux de la femelle précédente

Ce qui suit est essentiellement basé sur cet article. En résumé une nouvelle femelle chasse la femelle résidente qui a alors 4 fauconneaux. Tous les fauconneaux ont été attaqués lors de leur premier vol ou juste avant: 2 sont morts sur place tandis qu'un 3ième est décédé en réhabilitation. Il est à noter que les fauconneaux n'auraient peut-être pas survécu longtemps de toute façon puisqu'ils étaient tous infestés par un ver, possiblement le résultat des efforts désespérés du mâle pour nourrir seul tous ses rejetons et qui a rapporté un oiseau malade.Voici plus de détails.

Le 15 mai 2016 la femelle résidente disparait après une altercation avec une autre femelle. Le couple avait alors 4 fauconneaux. Le 9 juin le premier fauconneau s'envole. Après que son premier vol l'ait amené près du sol il est replacé en hauteur pour faciliter son nourrissage par le mâle. Quelques minutes à peine plus tard le fauconneau est attaqué par la nouvelle femelle. Plusieurs autres attaques sont observées durant la journée. À la fin de la journée le fauconneau est retrouvé mort.

Le lendemain un 2ième fauconneau effectue son premier vol. Lui aussi fait face aux attaques de la femelle. Il est trouvé au sol le lendemain avec une plaie ouverte à l'aile et est placé en réhabilitation. Il est décédé quelques semaines plus tard, de cause inconnue.
 
Le 13 juin une jeune femelle s'élance à son tour. La juvénile se retrouve à plusieurs reprises au sol. À chaque fois qu'elle est replacée en hauteur elle devient la cible de la nouvelle femelle. La décision est alors prise de retirer le fauconneau du secteur par précaution. C'est la seule qui a survécu.

Quant au dernier fauconneau je comprends qu'il a été attaqué alors qu'il était encore au nid. Il est lui aussi décédé.

L'article mentionne que les experts ont été étonnés par le comportement de cette femelle puisque les attaques sur des juvéniles sont très rares: "The behaviour of the new female has baffled  not only the Trust but also peregrine experts, it was widely known that adult female peregrines  and male will attack each other over territories but for adults to attack fledglings in juvenile plumage is very rare".

Mississauga (Ontario), 2012 - le mâle protège son unique fille survivante des attaques d'une nouvelle femelle

Ce qui suit est tiré du communiqué du 26 juin 2012 de Tracy Simpsons. Après avoir provoqué l'envol prématuré et la mort de 2 fauconneaux et envoyé leur mère en réhabilitation, une nouvelle femelle s'est mise à attaquer Janet, le seul fauconneau survivant. Le mâle est intervenu pour protéger sa fille. En fin de compte il l'a amené à un endroit situé à distance du nid où il se rendait secrètement la nourrir pendant que la nouvelle femelle était occupée à manger la proie qu'il venait de lui offrir!



Conclusion

On ne saura jamais ce qui s'est vraiment passé. Une chose est sure: un fauconneau est entré dans le territoire des faucons pèlerins de l'université de Montréal peu après un conflit majeur entre faucons pèlerins.

Cette histoire montre aussi comment un faucon pèlerin peut disparaitre en laissant très peu de traces, même très près de l'université (ce faucon n'était pas bagué mais s'il avait été bagué cela n'aurait rien changé puisque les pattes n'ont pas été retrouvées). À ce propos un grand coup de chapeau à Christian Trudeau pour avoir su reconnaitre ces traces et permettre ainsi à cette histoire d'être connue!



Cet article a été publié le 28 août 2017.





vendredi 14 juillet 2017

Arrêt de la couvaison et retrait des oeufs pour les faucons pèlerins de l'Université de Montréal

Le faucon pèlerin mâle de l'Université de Montréal, Eole, a finalement baissé les ailes ce 8 juillet en arrêtant de couver des œufs. Quelques jours plus tard, les œufs ont été retirés et acheminés à la Clinique des Oiseaux de Proie de Sainte-Hyacinthe pour être examinés. Verdict: les 3 œufs étaient infertiles. Les derniers jours de couvaison des œufs ont donné lieu à une surprise: la nouvelle femelle a couvé pendant une dizaine de minutes les œufs de sa rivale!

Une surprise lors des derniers jours de couvaison

Après sa prise de contrôle du nichoir le 10 juin, la nouvelle femelle n'a montré aucun intérêt à couver les 3 œufs pondus par Spirit. La couvaison était assurée à temps partiel par le mâle, qui typiquement quittait le nichoir et les œufs dès que la femelle se présentait. La femelle passait un temps plus ou moins long dans le nichoir, sans couver, puis quittait. Quelques temps après, Eole revenait couver.

Le 30 juin vers 13h je travaillais sur mon ordinateur avec la caméra de Faucons de l'UdeM en arrière-plan. À un certain moment je note l'arrivée de ce qui semble être la femelle dans le nichoir. Rien de surprenant, je continue donc à vaquer à mes occupations. Mais quelques instants plus tard, lors d'un nouveau coup d’œil, surprise: un faucon est en train de couver! Je me dis que soit j'avais mal identifié le faucon précédemment, soit Éole avait remplacé la femelle dans le nichoir pendant que je ne regardais pas. Intrigué je décide de suivre ce qui va se passer. Quelques minutes plus tard le faucon a cessé de couver et il était clair, quand il a quitté, que c'était la femelle! Après vérification dans les archives photo ainsi qu'en revenant en arrière dans la vidéo, il est apparu que celle-ci a couvé de 12h54 à 13h03, soit pendant une dizaine de minutes.

Femelle sur les œufs, 30 juin 2017 à 12h58 (crédit: Faucons de l'UdeM, https://www.facebook.com/fauconsudem)

Il semble qu'il y a eu au moins un autre évènement similaire, le 1er juillet à partir de 8h40. Les archives montrent ce qui semble être la femelle en position de couvaison de 8h40 à 8h47 (la femelle a été identifiée dans le nichoir juste avant et juste après).
Femelle sur les œufs, 1 juillet 2017 à 8h44 (crédit: Faucons de l'UdeM, https://www.facebook.com/fauconsudem)
Les photos prises isolément sont moins fiables pour conclure que la femelle couvait puisqu'elle était peut-être en train de creuser une cuvette à l'endroit où se trouvaient les œufs, ce qu'elle avait déjà fait dans le passé. Mais le fait que la caméra montre ce type d'images pendant 7 minutes d'affilée suggère qu'elle était effectivement en train de couver.

Je n'ai pas été capable de trouver d'autres évènements de ce type par la suite. D'après les archives photo, les œufs ont été couvés une dernière fois par Éole le 8 juillet.

On peut se demander si la femelle avait déjà commencé à couver avant le 30 juin? Je n'ai malheureusement pas eu le temps de réexaminer toutes les archives pour tenter de répondre à cette question. J'ai trouvé 2 autres occurrences potentielles dans les jours qui précédaient mais de durée beaucoup plus petite: 2 minutes le 29 juin à partir de 14h05 et 1 minute le 28 juin à 8h46. Ces durées me semblent cependant trop courtes pour conclure qu'elle a couvé pour la raison mentionnée plus haut.


Retrait des œufs le 12 juillet

Suite à l'arrêt de la couvaison, et après consultation avec les experts, Faucons de l'UdeM a décidé de retirer les œufs du nichoir. L'opération a été planifiée pour le 12 juillet vers 10h15. C'était l'occasion idéale de se faire une première idée du caractère de la nouvelle femelle face à une intrusion humaine au nid. Je suis donc arrivé à l'avance pour tenter de localiser les faucons.

Je commençais à penser que l'opération se déroulerait en leur absence lorsqu'un faucon est arrivé à 10h03 et s'est perché sur la façade de la tour qui donne vers le pavillon André-Eisenstadt (une façade voisine de celle du nichoir). Lorsque j'ai relevé les yeux après voir envoyé  un texto à Eve Belisle pour la prévenir, le faucon n'était plus visible...

L'opération de retrait des œufs a commencé vers 10h09 et s'est terminée à 10h16 (tout au moins la partie de l'opération visible depuis l'extérieur). Aucun faucon pèlerin n'est intervenu. Voici l'annonce par Faucons de l'UdeM du retrait des œufs.

3 minutes après la fin de l'opération, un faucon pèlerin s'est envolé de l'endroit où je l'avais vu se poser 16 minutes plus tôt. Il semble donc bien que le faucon - qui semblait être la femelle - était présent sur la tour pendant l'opération. Soit elle n'a rien entendu, soit elle ne se sentait pas concernée par ce qui se passait.

La femelle était de retour à 10h24 sur une corniche-prison de la tour. D'après la caméra du bureau d'Eve Belisle que celle-ci avait braqué sur le faucon, elle a quitté ce perchoir à 11h37.

Eole, suivi peu après par la femelle, a constaté la disparition des œufs à 12h09 comme le montre cette vidéo publiée par Faucons de l'UdeM.

Analyse des œufs: aucun œuf n'était fertile

Eve Belisle a apporté les œufs à la Clinique des oiseaux de proie pour être analysés. Le résultat a été rendu public le lendemain sur la page Facebook de Faucons de l'UdeM: aucun des 3 œufs n'était fertile...

Rappelons que les 2 premiers œufs avaient été pondus les 12 et 16 avril, alors que le 3ième œuf avait été pondu le 17 mai. Les 2 premiers œufs n'avaient pratiquement pas été couvés par Spirit, manifestement dérangée par les intrusions répétées d'une rivale sur son territoire. Le 3ième œuf au contraire a été couvé par Spirit, du moins jusqu'au retour de la femelle intruse début juin et de la prise de contrôle du territoire par cette dernière le 10 juin.   Déjà l'an dernier aucun œuf n'avait éclos suite à une guerre territoriale, mais contrairement à cette année 3 des 4 œufs étaient viables.

Personnellement je trouve ce résultat extrêmement triste. Il suggère que Spirit a été battue par un ennemi encore plus implacable que la plus combattive des femelles: l'âge... Et contre cet ennemi elle ne pourra  sans doute rien faire. Je pense aussi à toutes ses souffrances inutiles lors des batailles de cette saison.  Mais ainsi va la vie.


Cet article a été publié le 1er août 2017.







jeudi 6 juillet 2017

Un faucon pèlerin au Château d'eau de Colmar - juin 2017

Cet article a été publié le 26 avril 2020, avec une pensée pour mon père emporté par la Covid-19 à Colmar il y a exactement un mois. L'article a été antidaté au 6 juillet 2017 afin  de l'insérer à l'endroit approprié dans le blogue.

C'est après plus d'une semaine à observer les faucons crécerelles, en particulier ceux de la Collégiale qui partageaient l'église avec une famille de cigognes, que j'ai aperçu mon premier faucon pèlerin à Colmar, d'abord sur l'antenne d'un édifice de l'avenue Jean de Lattre de Tassigny puis au Château d'eau. Ces observations ont adouci un peu ma frustration de ne pas être à Montréal pour suivre les évènements de la prise de contrôle par une autre femelle faucon pèlerin du territoire de Spirit, voir cet article.

21 juin: un faucon pèlerin sur l'antenne d'un édifice de l'avenue Jean de Lattre de Tassigny

Après avoir observé pendant plusieurs jours la famille de faucon crécerelle (au moins 5 individus) à la Collégiale Saint-Martin ainsi que leurs voisins (une famille de cigognes), j'ai décidé de faire une observation de fin de soirée à l'église Saint-Joseph que je savais occupée par un autre couple de faucon crécerelle. Depuis l'autre côté des voies ferrées la tour de l'avenue Jean de Lattre de Tassigny avec son antenne (numéro civique 35) se découpait très bien dans le ciel Colmarien. Je me suis dit que ça ferait un bon perchoir pour un faucon pèlerin mais bien entendu il n'y en avait pas. Quelques minutes plus tard je regarde à nouveau l'édifice et il était là!

Faucon pèlerin sur l'antenne de l'édifice de l'avenue de Lattre de Tassigny
Il était alors 20h10.  Il s'est envolé à plusieurs reprises mais revenait très vite sur son antenne. Lors d'un départ un peu plus long à 20h50 j'ai décidé de continuer vers l'église Saint-Joseph où j'ai pu constater la présence d'un couple de faucon crécerelle mais apparemment sans rejetons. Au retour à 21h28 j'ai revu le faucon pèlerin se percher sur son antenne. Il a quitté à 21h38 en direction de la préfecture. J'étais bien décidé à en savoir plus sur lui!


22 juin : un faucon pèlerin au Château d'eau

Approximativement dans la direction où le faucon pèlerin avait quitté au coucher du soleil la veille il y avait le Château d'eau. Comme je disposais de peu de temps et que je ne logeais pas très loin, j'y ai fait un saut rapide vers 11h30. Les chances étaient très faibles de voir quelque chose, particulièrement compte tenu de l'heure (si le faucon pèlerin dormait là, il n'y avait aucune raison qu'il y soit encore). Aussi ma surprise a été grande d'apercevoir un faucon pèlerin perché à une des fenêtres!

 
Il s'est envolé presque aussitôt.

Je suis revenu après le diner, puis à nouveau après le souper, mais je ne l'ai pas revu. En revanche l'édifice abritait au moins un faucon crécerelle. Quelques tentatives de revoir le faucon pèlerin sur l'antenne de l'avenue Jean de Lattre de Tassigny ont aussi échoué ce jour-là.

23 juin: un faucon pèlerin aux 2 endroits

À 6h30 rien au Château d'eau mais à 6h37 j'ai repéré un faucon pèlerin sur l'antenne de l'avenue Jean de Lattre de Tassigny. Il s'est envolé à 7h10, était de retour sur l'antenne à 7h14 puis a disparu.

Faucon pèlerin sur l'antenne à 7h09

À 10h un faucon pèlerin était de retour à la fenêtre du Château d'eau.
À 10h46 un faucon est passé en vol devant lui sans qu'il ne bronche. Il s'agissait probablement d'un faucon crécerelle puisque je n'ai jamais réussir à établir clairement la présence de 2 faucons pèlerins.


À 13h55 le faucon pèlerin avait disparu du Château d'eau mais un faucon crécerelle se tenait à la fenêtre voisine:
Faucon crécerelle au Château d'eau

24 juin: faucon pèlerin au Château d'eau après le coucher du soleil

À 21h15 je repère le faucon pèlerin sur l'antenne de l'édifice de l'avenue de Lattre de Tassigny. Il s'est envolé à 2 reprises, revenant à chaque fois sur l'antenne. À 21h26 il s'est envolé en direction du Château d'eau.

Je l'ai retrouvé à 21h33 sur le toit du Château d'eau, apparemment en train de manger.
Faucon pèlerin sur le toit du Château d'eau après un court repas, 21h36
Il a fait un court vol à 21h54 puis à 22h01 il a rejoint une première fenêtre. Il a changé de fenêtre 2 minutes plus tard.
Faucon pèlerin à une fenêtre du Château d'eau, 22h07


25 et 26 juin: faucon pèlerin présent en matinée au Château d'eau

Le 25 juin j'ai retrouvé le faucon pèlerin à une fenêtre du Château d'eau à 10h10. À 10h40 il s'est envolé en direction de la gare. J'ai vérifié à quelques reprises l'antenne de l'avenue de Lattre de Tassigny entre 10h46 et midi mais je ne l'y ai pas trouvé.

Faucon pèlerin au Château d'eau le 25 juin, 10h31

Le 26 juin le faucon pèlerin était à une fenêtre du Château d'eau à 11h08 et il y était toujours à 11h47 quand j'ai quitté.

Quelques photos des faucons crécerelles de la Collégiale

En plus d'un nid de cigogne avec 4 cigogneaux, la Collégiale Saint-Martin abritait une famille de faucons crécerelles avec au moins 3 fauconneaux. Voici quelques photos:




Et voici une photo de la famille de cigognes.

mardi 4 juillet 2017

Coup réussi à l'Université de Montréal: Spirit chassée par une autre femelle

Les 10 et 11 juin est arrivé ce qu'on pressentait/redoutait depuis quelques temps déjà: une nouvelle femelle faucon pèlerin a pris le contrôle de l'Université de Montréal. Après avoir été chassé de la tour en fin d'après le 10 juin, la femelle résidente - Spirit - a semble-t-il tenté un retour tôt le le matin du 11 juin mais a échoué. 3 semaines plus tard, on est toujours sans nouvelle d'elle.


10 juin: la nouvelle femelle prend le contrôle du nichoir

Spirit est photographiée une dernière fois au nichoir par la caméra de Faucons de l'UdeM à 16h54mn50. Voici une des dernières photos d'elle prise à 16h06mn07.

Une des dernières photos de Spirit (crédit: Faucons de l'UdeM, https://www.facebook.com/fauconsudem)

À 19h59mn l'intruse pénètre dans le nichoir. La photo ci-dessous a été prise à 20h05.
Nouvelle femelle dans le nichoir (crédit: Faucons de l'UdeM, https://www.facebook.com/fauconsudem)
On remarque que le faucon n'est pas bagué, contrairement à Spirit et à Éole qui sont bagués aux 2 pattes.

11 juin: tentative avortée de retour de Spirit

Bien que Spirit ne semble apparaitre sur aucune photos prises le 11 juin,  les images enregistrées par la caméra de Faucons de l'UdeM laissent peu de doute sur le fait que Spirit a tenté un retour tôt le matin du 11 juin. Mais contrairement à ce qui s'était passé après la bataille du 26 avril, Spirit a échoué.

Tout semble s'être joué entre 5h23 et 7h32, probablement même entre 6h16 et 7h01.

À partir de 7h32, une série de gros plans pris par la caméra montre que la femelle est sérieusement blessée au niveau du bec du côté gauche.
Femelle blessée au visage, 7h35 (crédit: Faucons de l'UdeM, https://www.facebook.com/fauconsudem)


Ces blessures ont été causées après 5h23, comme le montre cette autre photo.
Blessures non présentes à 5h23 (crédit: Faucons de l'UdeM, https://www.facebook.com/fauconsudem)

De toute évidence il y a eu une bataille entre 5h23 et 7h32. Bien entendu rien ne prouve que cette bataille impliquait Spirit (il pouvait s'agir d'un autre faucon pèlerin ou d'un autre oiseau de proie). Mais comme Spirit avait regagné le contrôle du nichoir le matin du 27 avril après avoir perdu la bataille de la veille, il est raisonnable de penser qu'elle a contre-attaqué ce matin du 11 juin et donc que c'est elle qui a infligé ces blessures à la femelle.

Si on examine soigneusement les photos enregistrées par la caméra entre 5h23 et 7h32, on peut possiblement affiner l'intervalle de temps où s'est passé cette bataille (ou en tout cas la fin de celle-ci).

La femelle disparait de vue à 5h23. À 5h28 la caméra montre 2 faucons: un faucon qui couve et qui est de toute évidence Éole (il a commencé à couver à 5h06)  et un autre faucon à droite du nichoir. Logiquement ce faucon est la nouvelle femelle: on imagine mal Spirit tranquillement perchée à côté du nichoir pendant plusieurs minutes sans réaction de sa rivale! Ce faucon à droite du nichoir disparait à 5h31. La caméra revient sur le nichoir et Eole en train de couver, et ce jusqu'à 6h16.

De 6h16 à 6h21 la caméra enregistre des photos dans toutes les directions, particulièrement vers le bas. Ici on ne peut que spéculer mais une possibilité est que l'opérateur de la caméra entendait des cris et essayait de voir ce qui se passait (à ma connaissance aucune vidéo n'a été publiée pour cette période). La caméra revient ensuite sur Éole en train de couver jusqu'à 6h45.

À 6h48, Eole (identifiable grâce à sa bague) cesse de couver. Est-il curieux de voir ce qui se passe? Il disparait 1 minute plus tard.

À 7h01, après une série de gros plans sur les œufs, la caméra retrouve la femelle à droite du nichoir. On remarquera que la femelle a des plumes blanches (duvet?) sous sa patte gauche.
Femelle avec des plumes blanches sous la patte gauche, 7h02 (crédit: Faucons de l'UdeM, https://www.facebook.com/fauconsudem)
D'autres photos montrent des plumes blanches aux abords du nichoir, possiblement venant d'une proie ou peut-être même d'un faucon à l'occasion de la mue. Ces plumes viennent peut-être de là. Ou peut-être pas... Malheureusement comme le faucon ne montre que sa face droite, il n'est pas possible de savoir s'il porte déjà les blessures mentionnées plus haut.

La femelle reste visible jusqu'à 7h14. À 7h17, Éole recommence à couver. À 7h32 la caméra retrouve la femelle à droite du nichoir, blessée à la tête du côté gauche.

Je termine cette section en soulignant le travail de celui/celle qui a opéré la caméra (vraisemblablement Richard Dupuis). Je n'ai mentionné des photos qu'à partir de 5h23 mais en réalité il y a eu un suivi des faucons pendant toute la nuit! (ce suivi suggère que la femelle était présente sur la tour pendant toute la nuit, en particulier elle a visité le nichoir vers 1h30 et 3h30). Et évidemment le récit de ce qui s'est passé entre 5h23 et 7h32 aurait été beaucoup moins complet si la caméra n'avait pas été dirigée vers là où le faucon se trouvait, sans parler des zooms.

Les jours d'après (et une note plus personnelle)

À ma connaissance rien ne suggère que Spirit a fait une autre tentative après celle que je viens de raconter. D'après le message d'Eve Belisle publié sur Facebook "des vérifications ont été faites sur les toits aux alentours" sans trouver de trace de Spirit. Le 13 juin, un accouplement est rapporté sur eBird par Jean-Sébastien Mayer (le libellé de eBird est un peu vague mais j'ai vérifié auprès de l'auteur que c'était bel et bien un accouplement qui avait été observé). On ignore s'il y a eu d'autres accouplements. Le 17 juin ce qui semble être un faucon pèlerin est photographié de loin à l'Oratoire Saint-Joseph qui est un lieu que semblait apprécier particulièrement Spirit mais il pouvait s'agir tout aussi bien d'Éole ou de la nouvelle femelle que de Spirit.

Le destin a voulu que ces évènements se déroulent le lendemain de mon départ pour la France pour un séjour de 3 semaines dans ma famille... Qui plus est, j'avais devancé ce voyage en grande partie à cause de la situation des faucons de l'Université de Montréal, plus spécifiquement à cause de la ponte d'un 3ième œuf le 16 mai et le retour au calme après les dérangements qui avaient culminé avec la bataille du 26 avril: j'anticipais en effet la naissance d'un fauconneau en juin que j'aurais pu suivre à mon retour, une naissance qui n'a évidemment pas eu lieu. De même j'avais anticipé que des fauconneaux naitraient à l'Échangeur Turcot fin mai/début juin, naissances qui n'ont pas eu lieu non plus. En contrepartie j'ai du renoncer à suivre l'envol des fauconneaux de la Tour de la Bourse ainsi que ceux du Pont Champlain puisque ces envols allaient avoir lieu durant mon absence (je comptais en revanche suivre ces fauconneaux durant leur période d'apprentissage à mon retour). Énorme frustration donc d'abord par rapport à ce qui ne s'est pas passé (aucune naissance à l'Université de Montréal ni à l'Échangeur Turcot) et aux sacrifices que j'avais fait en vain (les envols à 2 autres sites). Mais aussi une énorme frustration de ne pas avoir été présent lors de ces évènements des 10 et 11 juin. Certes il est peu probable que ma présence aurait changé le destin de Spirit. Mais elle aurait possiblement pu lever l'incertitude sur son sort. En particulier comme je l'avais fait le lendemain de la bataille du 26 avril, j'aurais sans doute été sur place vers 6h le 11 juin, c'est-à-dire au moment où semble avoir eu lieu la bataille décisive. Les observations des déplacements d'Éole et de la femelle par la suite auraient aussi pu fournir des indices intéressants sur la localisation de Spirit. Même si je n'avais en fin de compte pas réussi à localiser Spirit, j'aurais eu au moins la satisfaction d'avoir fait tout ce que je pouvais faire. Sur une note plus légère il aurait aussi été intéressant d'observer les premiers jours d'Éole et de la nouvelle femelle à l'Université de Montréal, ne serait-ce que pour savoir si l'accouplement du 13 juin était isolé ou non. Mentionnons pour finir que je n'étais pas le seul à être absent durant cette période critique: Eve Belisle - qui a suivi l'aventure de Spirit depuis le tout début et qui lui a fait installer le nichoir -  était également en voyage.

Je n'ai pu me rendre sur place que le 28 juin, au lendemain de mon retour à Montréal. J'ai pu constater que la femelle était présente sur place pratiquement constamment, une observation qui s'est confirmée lors de ma visite suivante le 3 juillet. En particulier la femelle était présente la plupart du temps sur la tour pendant que Éole (le mâle) couvait les œufs de sa rivale.


Des signes avant-coureurs

A posteriori c'est toujours plus facile de remarquer les signes avant-coureurs d'un évènement...

Si on examine le temps passé à couver, on remarque une première interruption de la couvaison d'une vingtaine de minutes le 4 juin de 13h37 à 14h02. Il faut aller ensuite au 7 juin pour trouver une absence de cette ampleur mais les choses se dégradent: le 7 juin, il y a 2 interruptions d'une vingtaine de minutes alors que le 8 juin il y en a 5. Le 9 juin la couvaison est interrompue pendant plus de 1 heure entre 6h21 et 7h45. Le 10 juin - jour où Spirit a été chassée - on note une interruption de 40 minutes de 13h27 à 14h09; de plus de 15h55 à 16h54 Spirit est présente au nichoir mais ne couve pas (c'est sa dernière présence documentée au nichoir).

Le 9 juin, dans une vidéo publiée par Richard Dupuis, Spirit a visiblement beaucoup de difficultés à se déplacer. Dans son annonce sur Facebook de la réapparition de l'intruse le 10 juin au soir, Faucons de l'UdeM indique par ailleurs que "Spirit semble mal-en-point depuis deux jours".


Conclusion

Une Spirit déjà affaiblie a été chassée de la tour de l'Université de Montréal le 10 juin par une autre femelle. Spirit a possiblement mis ces dernières forces dans une contre-attaque tôt le lendemain matin, qui malheureusement pour elle a échoué. La nouvelle femelle est réapparue dans le nichoir avec ce qui pourrait du duvet à la patte gauche et une blessure sanglante à la tête.

Qu'est-il advenu de Spirit? Je pense malheureusement que le pire des scénarios est le plus probable: la mort, dont on peut juste espérer qu'elle aura été rapide. On aurait tous souhaité qu'elle se retire et vive une retraite paisible. Mais les femelles faucon pèlerin nicheuses ne voient peut-être pas les choses comme cela. Surtout quand elles ont des œufs ou des petits...

Le décès de Spirit n'est toutefois pas le seul scénario possible. Elle a peut-être fui et est en train de récupérer de ses blessures quelque part. C'est possiblement ce qu'a fait la nouvelle femelle. En effet, SI c'est la même femelle qui s'est battue dans le nichoir avec Spirit le 26 avril, il y a eu une période de plusieurs semaines où elle ne s'est plus fait remarquer.  Et quand elle est réapparue dans le nichoir le 10 juin, sa blessure à la patte que j'ai mentionnée dans cet article avait guéri, de même que sa blessure au niveau du bec (et possiblement d'autres blessures qu'elle a pu acquérir après la bataille du 26 avril). Si Spirit réussit à soigner ses blessures, il se pourrait qu'elle tente un autre retour. Personnellement j'attends jusqu'au début de la prochaine saison de nidification avant de conclure que Spirit ne reviendra pas.

J'ai fait allusion un peu plus haut à l'identité de la nouvelle femelle. Commençons par remarquer que puisqu'elle n'est pas baguée aucune certitude ne sera jamais possible. Ceci étant dit, il faut reconnaitre que l'hypothèse selon laquelle il s'agirait d'Eve et qui semble retenue par Faucons de l'UdeM a beaucoup d'arguments en sa faveur. Eve est la femelle non baguée avec qui Éole a eu un total de 6 fauconneaux en 2015 et 2016 à l'église Saint-Marc et à l'Incinérateur des Carrières respectivement. Cependant tant que je ne me serai pas fait ma propre idée (notamment par comparaison de photos), je me retiendrai de la nommer et j'utiliserai plutôt pour la désigner des expressions vagues comme "nouvelle femelle".


Cet article a été publié le 24 juillet 2017.