Cet article a été publié le 30 décembre 2025 et anti-daté au 20 mai 2025 afin de le placer à l'endroit voulu dans le blogue.
Je décris dans cet article 2 situations qui m'ont particulièrement marqué en avril 2025 lors de mes surveillances au pont Jacques-Cartier de Gideon, une jeune femelle faucon pèlerin née à Toronto en 2024, des situations qui à mon avis méritaient une description détaillée. La première situation date du 6 avril 2025 lorsque je me suis interposé entre elle et un goéland mort, clairement pas tué par les faucons pèlerins et que je craignais être atteint de la grippe aviaire. La 2ième situation s'est produite le 23 avril quand, après une longue observation (probablement mutuelle) alors qu'elle était perchée sur une poutre du pont Jacques-Cartier, elle s'est envolée et a effectué un passage à grande vitesse près de moi.
1) 6 avril 2025: compétition avec Gideon pour un goéland
Cette section reprend en partie cette publication Facebook publiée le soir-même.
Lorsque j'arrive sur place le 6 avril vers 14h, il est clair depuis quelques jours que Gideon est de plus en plus acceptée sur le site depuis que je l'ai observée pour la première fois le 28 mars. Mais je ne l'ai pas encore vue interagir positivement avec un autre faucon pèlerin ou bien perchée à proximité d'un autre faucon. Cet après-midi-là je la trouve perchée sur l'étroite corniche du pilier 24 (le pilier situé au milieu du fleuve entre Montréal et l'ile Sainte-Hélène), qu'elle quitte à 14h10:
Je profite de ce qu'aucun faucon n'est plus visible pour luncher. À 14h25 2 faucons semblent rejoindre le côté non visible (i.e., orienté vers Montréal) du pilier 24. À 14h28 2 faucons sont en vol mais rapidement je n'en vois plus que 1. À 14h30 un faucon fonce vers la bretelle d'accès du pont à l'ile Sainte-Hélène, apparemment à la poursuite d'une proie. L'autre le suit quelques secondes plus tard. Je me réjouis de les voir apparemment partir chasser ensemble.
1.1. Une carcasse suspecte de goéland
Comme ils ne reviennent pas, je décide d'aller jeter un coup d’œil au cas où ils auraient attrapé quelque chose et qu'ils seraient en train de manger plus loin sur le pont. Pour cela je coupe à travers le parking du parc d'amusement La Ronde en amont du pont. Ce faisant, je tombe sur un goéland mort et partiellement mangé:
Le goéland est éventré mais à part cela il est intact: aucune plume arrachée n'est visible près de lui et sa tête est intacte. Cela ne ressemblait pas du tout à l’œuvre d'un faucon pèlerin. Je n'ai pas assez de connaissance pour exclure l’œuvre d'un renard mais je m'explique mal comment le goéland aurait pu être surpris à découvert sur le parking, Bien sûr il aurait pu être tué ailleurs puis transporté jusqu'à cet endroit mais je considère une autre possibilité: la mort subite du goéland sans intervention externe, qui aurait par la suite été partiellement mangé par un animal, je pensais plus spécialement à des urubus mais le grand corbeau m'a aussi été suggéré. Dès lors je considérais le goéland comme possiblement atteint de la grippe aviaire puisque la mort subite est un des signes possibles de cette maladie) et que l'année dernière à la même époque et dans le même secteur un couple de faucon pèlerin en était mort, voir cet article.
Idéalement j'aurais aimé confirmer mes soupçons en faisant tester la carcasse mais je n'étais pas équipé pour la transporter ou la sécuriser de façon sécuritaire et on était dimanche, en basse saison. De plus avec le vent, je n'étais pas très enclin à faire des appels téléphoniques. J'ai envoyé un courriel au parc Jean-Drapeau mais, sans surprise (un dimanche de basse saison), personne n'était venu ramasser la carcasse quand le moment est venu pour moi de quitter.
1.2. Un urubu et des faucons pèlerins qui s'intéressent au goéland mort
À 14h53 un urubu a effectué plusieurs passages bas au-dessus de la carcasse mais ne s’est pas posé : peut-être qu’il a conclu qu’il n’y avait plus suffisamment à manger. À 15h09 je revois les 2 faucons en vol. À 15h14 l'un d'eux poursuit un pigeon. À 15h21 j'étais en train de finir mon lunch à la table de pique-nique située du côté aval du pont lorsque je remarque que les faucons effectuent des vols bas au-dessus de la carcasse...
1.3. Interposition entre Gideon et la carcasse
Après avoir vu les 2 faucons effectuer des passages à basse altitude au-dessus de la carcasse (possiblement pour tester les éventuelles réactions du goéland), j'ai ramassé mes affaires et je me suis approché. Le mâle s'était perché sur un lampadaire
Mon approche l'a fait s'envoler et elle est allée se percher sur un pilier du pont.
Peu de temps après (enregistrement audio à 15h28mn48) elle s’est mise à alarmer: j’ai regardé autour de moi mais je n’ai rien vu qui pourrait expliquer cette alarme, c’était donc probablement moi la cause… Le mâle, plus mesuré, répondait par des vocalises.
Gideon a fini par se lasser et a quitté, ainsi que le mâle. À 16h45 j'ai de nouveau repéré Gideon sur la corniche étroite du pilier 24. À 16h56 le mâle est retourné se percher sur le lampadaire, pas très loin de la carcasse:
À 17h01 il s'est envolé et a interagi avec un goéland en vol. À 17h11 Gideon s’est envolée et est venue se percher sur une poutre du pont Jacques-Cartier en face de la carcasse, attendant visiblement que je quitte...
À 17h49 sa patience était épuisée : elle s’est envolée et s’est apprêtée à se poser près de la carcasse malgré que je me trouvais à moins de 5 mètres! Un petit pas en avant a suffi à la faire renoncer. J’ai eu droit à plusieurs passages bas autour de moi mais qui ne me paraissaient pas menaçants (il n’y avait plus de cri d’alarme et elle ne me survolait pas):
À 17h53 elle s'est envolée de l'arbre où on la voit se percher dans la vidéo et a disparu de l'autre côté du pont.
1.4. Enlèvement de la carcasse
J'ai profité que Gideon s'était éloignée pour aller récupérer un vieux sac poubelle abandonné que j'avais repéré un peu plus loin et j'y ai fait glisser la carcasse, tout en surveillant du coin de l’œil l'arrivée éventuelle d'un faucon pèlerin. À 18h01 c'était fait. J'ai ensuite jeté le sac avec la carcasse dans une poubelle et je me suis rendu au bloc sanitaire le plus proche pour me laver longuement les mains même si a priori je n'avais pas touché directement à la carcasse.
Important
Si je me suis interposé entre le faucon pèlerin et
une proie, c'est que 1) la proie n'avait pas été tuée par les faucons pèlerins et 2) j'avais des raisons de craindre que la proie était
infectée par le virus de la grippe aviaire qui avait tué 2 faucons
pèlerins l'année précédente. Sauf en de rares exceptions (oiseau rare,
animal de compagnie) je suis en total désaccord avec le fait d'empêcher
un prédateur de manger la proie qu'il a attrapé, ce comportement ne fera
que forcer l'animal à faire une autre victime, sans même nécessairement
sauver la 1ière victime.
1.5. Un urubu trouvé mort de la grippe aviaire 4 jours plus tard
On ne saura jamais si le goéland était atteint de la grippe aviaire, ni si Gideon serait décédée si je ne l'avais pas empêché de s'en nourrir. Chose certaine: la grippe aviaire était de nouveau présente dans le secteur durant cette période... D'après le tableau de bord de la grippe aviaire du Réseau pour la santé de la faune un urubu trouvé mort au Québec le 10 avril a été testé positif au virus H5N1. En téléchargeant le fichier Excel on obtient plus d'informations sur la localisation: l'urubu a été collecté dans la subdivision de recensement unifiée de Longueuil! (à noter que, comme déjà remarqué dans cet article, dans le fichier Excel toutes les dates sont incrémentées de 1 jour).
2) 23 avril 2025: passage bas rapide de Gideon près de moi
Cette section reprend en partie cette publication Facebook du 29 avril.
Le 23 avril je suis arrivé à 16h et je me suis posté du côté aval du pont Jacques-Cartier sur le bord de la route qui longe le fleuve et qui mène à une entrée de service de la Ronde. Sur le bord de la route car l'entrée de service était ouverte à ce moment-là et je ne tenais pas être surpris par un véhicule.
De 16h26 à 18h04 je surveille Gideon perchée à la base du tablier du pont:
De son perchoir je suis parfaitement visible et elle m'observe sans doute autant que moi je l'observe. À 17h58 j'ai même l'occasion d'assister à un accouplement...
À 18h05 elle s'envole dans l'axe de la route, pénètre sur le terrain de la Ronde, vire, fait une petite incursion au-dessus du fleuve puis revient vers l'entrée de service de la Ronde. À cet endroit elle plonge vers le sol et passe en trombe presque au ras du sol au-dessus de la route à côté de moi, avant de reprendre de l'altitude! Je filmais à ce moment à main levée son vol. Elle est passée tellement rapidement qu'il n'était pas possible de me fier à l'image sur l'écran, j'ai plutôt bougé la caméra à l'aveugle. De retour chez moi je croyais bien n'avoir rien capté de son passage bas mais en revisionnant la scène au ralenti j'ai constaté que j'avais capté bel et bien une partie de son passage. Voici la vidéo:
Ce comportement reste inexpliqué et ne s'est pas reproduit. Peut-être qu'elle a tenté d'attraper un oiseau mais dans ce cas je ne l'ai ni vu, ni entendu. J'aime à penser que c'était un geste qui m'était destiné! À noter qu'aucun des signaux d'alerte pour un vol bas de faucon pèlerin n'était présent (voir plus bas): elle n'a pas alarmé ni crié, elle ne m'a pas survolé et elle n'a pas répété son geste.
Important
La situation décrite ici est inhabituelle. Des vols bas d'un faucon pèlerin qui semblent dirigés contre un humain doivent être pris très au sérieux: c'est possiblement le dernier avertissement avant une attaque. Typiquement un faucon pèlerin qui tente de chasser ce qu'il considère une menace pour lui ou sa progéniture effectuera une série de vols rapides au-dessus de l'intrus, en alarmant ou en criant (tous ces signes ne seront pas nécessairement présents). S'il décide de passer à l'étape suivante, une attaque pourrait consister à labourer de ses serres le sommet du crane de l'intrus, ce qui vaudra presque certainement une visite à l'urgence en raison du risque d'infection du aux bactéries résultant de la manipulation par le faucon d'oiseaux morts. Je n'ai connaissance d'aucun cas d'attaque de faucon pèlerin sur un humain au sol dans la région de Montréal. En 2015 à l'Échangeur Turcot une femelle faucon pèlerin (Polly) a effectué ce qui semblait être des vols d'intimidation à l'égard d'un passant mais c'était en réalité à son chien qu'elle en voulait (l'homme n'était pas inquiété lorsqu'il passait seul): l'explication la plus probable est que ce chien en particulier avait un jour surpris la fauconne alors qu'elle se baignait au bord du canal Lachine et que celle-ci ne lui avait pas pardonné. C'est le seul cas qui s'apparente à des vols d'intimidation par des faucons pèlerins envers un humain au sol que je connaisse à Montréal.

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