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samedi 10 août 2019

Décès du faucon pèlerin juvénile Porthos

Cet article a été publié le 28 septembre 2019.

Porthos a été sérieusement blessé en fin d'après-midi le 28 juillet après être entré en collision avec un avion à l'aéroport Pierre-Elliot Trudeau de Montréal. Il a été euthanasié le 30 juillet.

Porthos le 12 juillet à l'Oratoire Saint-Joseph

 

L'accident

La nouvelle de l'accident a été communiquée le 29 juillet via Facebook par Faucons de l'UdeM. On y apprend que Porthos a été trouvé la veille au soir blessé après une collision avec un avion à l'aéroport Montréal-Trudeau. Comme la gestion de la faune à cet aéroport est assurée par Services Environnementaux Faucons (SEF), je les ai contacté pour tenter d'obtenir des informations supplémentaires. Voici ce que Marie-Line Fiola, chargée de projet chez SEF, m'a répondu:
L’évènement s’est produit vers 17h00. C’est la tour de contrôle qui a appelé notre officier de gestion de la faune pour l’informer qu’un impact aviaire avait eu lieu pendant la phase de roulement au décollage. Lorsque notre officier s’est rendu sur place, il a trouvé le faucon blessé à l’aile à l’endroit mentionné par le contrôleur. Le faucon a ensuite été transporté à l’UQROP par un bénévole, afin d'y être acheminé rapidement pour recevoir les soins nécessaires.
(Merci à elle pour sa réponse et la permission de la publier).

Quelques remarques:
  • L'aéroport est situé à un peu plus de 8kms de l'Université de Montréal. Ce n'est pas nouveau qu'un fauconneau né à l'Université de Montréal fréquente ce secteur: en septembre 2014 Mistral avait été observé par Julie Tremblay au Technoparc Montréal situé au bord de l'aéroport. Au fil des ans plusieurs faucons pèlerins juvéniles ont été signalés dans ce secteur en août/septembre d'après eBird. Par ailleurs ce 8 août une jeune femelle pèlerin non baguée a été capturée à l'aéroport
  • Il est difficile d'imaginer que Porthos, qui volait depuis un mois, soit entré en collision avec un véhicule au sol sans qu'un autre facteur ait joué un rôle. On peut spéculer que Porthos était à la poursuite d'une proie (un pigeon a peut-être été assez intelligent pour passer juste devant l'avion...) ou était impliqué dans une poursuite avec un autre faucon pèlerin juvénile ou avec un autre oiseau de proie.
  • L'accident met en lumière le rôle des bénévoles pour le transport rapide des oiseaux de proie blessés. Sans la contribution des bénévoles, des agents de la faune auraient probablement effectué le transport mais avec un délai plus long compte tenu de leurs ressources limitées. Le transport de Porthos à la Clinique des Oiseaux de Proie à Saint-Hyacinthe a été assuré par Roger Rousselle, qui effectue régulièrement ce genre de transports. Si vous souhaitez vous aussi vous joindre à l'équipe de bénévoles contactez l'UQROP.
  • Si l'accident n'avait pas eu de témoin, Porthos aurait facilement pu disparaitre sans laisser de traces. Il aurait en effet pu faire le bonheur, durant la nuit, d'un des coyotes ou d'un des renards qui fréquentent les terrains de l'aéroport, ou même d'un autre oiseau de proie.
Dès les premiers examens de Porthos à la Clinique des Oiseaux de Proie de l'UQROP il a été déterminé que Porthos ne volerait plus jamais (source: publication Facebook de Faucons de l'UdeM du 29 juillet midi). 2 options étaient alors envisagées: l'utiliser comme oiseau ambassadeur (présentation dans des écoles ou dans un zoo dans un objectif de sensibilisation du public) ou l'euthanasier. C'est cette 2ième option qui a été retenue après que des examens ultérieurs aient montré que Porthos aurait souffert de douleurs chroniques même après l'amputation de son aile: Porthos a donc été euthanasié le 30 juillet (source: publication Facebook de Faucons de l'UdeM du 30 juillet).

Porthos

Porthos est né dans le nichoir de la tour de l'Université de Montréal entre le 19 et le 22 mai de cette année. Des 3 mâles il était celui qui affichait le plus grand poids lors du baguage (672g contre 643g et 638g), ce qui suggère qu'il était peut-être l'ainé du quatuor. Lors des premiers vols, il a été le 3ième à quitter la tour mais le premier à remonter au niveau du nichoir.

De nombreuses photos et vidéo montrant Porthos ont été publiées, entre autres sur la page Facebook de Faucons de l'UdeM ainsi que dans le forum Bird Cams Around the World. Quelques photos de lui sont incluses dans l'annonce de sa mort par Faucons de l'UdeM, qui a également republié le 30 juillet une vidéo le montrant allongé près du nichoir au début du mois.

Ma dernière observation certaine de Porthos a été faite le 12 juillet à l'Oratoire Saint-Joseph entre midi et 13h30. Il s'y trouvait en compagnie de son frère Athos et d'un adulte. 


Vers 8h45 le 28 juillet une série de photos prises par la caméra du nichoir montre ce qui semble être Porthos en train de manger à l'Université de Montréal:
Agrandissement d'une photo prise à 8h45 par la caméra du nichoir (crédit: fauconsudem.com)
Lors du baguage 2 fauconneaux avaient reçu un collant de couleur sombre sur la bague de la patte droite: Porthos (vert foncé) et Sola (rouge). Or le 30 juillet il est apparu que Sola avait perdu son collant rouge.

À 15h48 Eve est filmée avec une proie à la patte. La proie semble destinée à un fauconneau mais aucun d'entre eux ne se présente. L'accident de Porthos a lieu un peu plus de 1 heure plus tard.

À 18h50, sans rien savoir de l'accident de Porthos, j'arrive à l'Université de Montréal. J'observe 4 faucons pèlerins dont au moins 2 fauconneaux et un adulte. Surtout, vers 19h35 j'assiste à la capture d'un petit oiseau en vol par un des fauconneaux. Je n'ai malheureusement pas pu identifier le fauconneau mais une chose est sure, ce n'était pas Porthos...


Les autres décès de faucons pèlerins juvéniles connus

Le site de l'Université de Montréal avait jusqu'à présent été relativement épargné par les tragédies. En effet à ma connaissance il y a eu une seule autre année où un fauconneau né sur la tour de l'Université de Montréal est décédé: c'était en 2010. Cette année-là 2 fauconneaux sur les 3 de la nichée étaient décédés: un premier fauconneau avait été kidnappé par Polly (une femelle pèlerin née l'année précédente à l'université) alors qu'il était âgé de 8 jours seulement tandis que l'autre a été tué par un virus à l'âge de 37 jours (cette mort est peut-être également indirectement attribuable à Polly en raison des fréquentes et relativement longues interruptions dans la couvaison des œufs qu'elle a causé, ce qui a pu résulter en un système immunitaire plus faible chez les fauconneaux). Les nidifications sur la tour avaient commencé en 2009 et il y a eu 3 années sans aucune naissance de fauconneau (2012: travaux sur la tour; 2016 et 2017: batailles territoriales) d'après l'arbre généalogique de Faucons de l'UdM. Sur les 19 fauconneaux qui se sont envolés de la tour entre 2009 et 2018, 6 ont été revus après leur premier hiver (Algo, Polly, Horus, Éole, Rick et David; voir cet article pour plus de précisions).

En juillet 2017 un faucon pèlerin juvénile a été trouvé mort sur le toit d'un des pavillons de l'Université de Montréal. Ce fauconneau - dont on ignore la provenance - n'avait pas été suivi quotidiennement par des centaines de personnes depuis le moment de sa naissance jusqu'à son envol comme cela avait été le cas pour Porthos, et donc sa mort avait eu un impact bien moindre que celle de Porthos.

Porthos n'était peut-être pas le premier fauconneau d'Éole et d'Eve à succomber à un accident.  En juillet 2016 un employé de l'incinérateur des Carrières m'a raconté que l'été précédent ils avaient trouvé un faucon pèlerin juvénile au sol, blessé. Alertés, les agents de la faune n'auraient pas pu venir le chercher le jour même et le fauconneau serait décédé à l'incinérateur. En l'absence de photo il m'est difficile d'être certain qu'il s'agissait bien d'un faucon pèlerin mais on sait qu'à l'été 2015 Éole et sa compagne avaient ramené leurs fauconneaux nés à l'église Saint-Marc à l'incinérateur des Carrières.

Signalons aussi la mort de plusieurs fauconneaux à l'Échangeur Turcot, que ce soit avant l'envol (2012, 2014 et  2016 pour les cas connus) ou après l'envol (Acacia en 2016).

De façon générale la première année de vie est la plus périlleuse pour les faucons pèlerins. D'après le rapport du COSEPAC 2017 sur le faucon pèlerin, "Les taux de survie au cours de la première année demeurent à établir de façon précise mais, en général, on estime qu’ils oscillent entre 40 et 50 %". Ce taux de survie serait cependant supérieur en milieu urbain: ce même rapport cite une étude en Californie où le taux de survie la première année des fauconneaux élevés en milieu urbain est estimé à 65% contre 28% en milieu rural.