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dimanche 26 novembre 2017

Relâche de Spirit!

Spirit a été relâchée ce 19 novembre depuis le site de Chouette à Voir de l'UQROP (Union Québécoise de Réhabilitation des Oiseaux de Proie) où elle était soignée depuis le 24 juillet. Spirit est un faucon pèlerin femelle née dans l'Ohio (États-Unis) en 2004 et qui a régné sur l'Université de Montréal de 2008 à 2017.

Cet article a été publié le 29 décembre 2017 et a été antidaté en novembre de façon à  placer l'article dans une chronologie naturelle dans le blogue. L'article contient une référence à un article de l'UQROP publié le 15 décembre 2017.

 

La relâche

Afin de couvrir une partie des coûts des soins, l'UQROP avait organisé un encan pour déterminer qui la relâcherait. Cet encan a été remporté par Roger Rousselle, qui en plus d'avoir fait le plus grand don, agit fréquemment comme bénévole pour le transport d'oiseau de proie blessé.  La relâche a eu lieu depuis le site de Chouette à Voir, situé à Saint-Jude en Montérégie, à environ 55kms à vol d'oiseau de l'Université de Montréal. Voici l'annonce par l'UQROP de la relâche

Plusieurs photos de l'évènement ont été publiées: en plus de celles qui figurent dans la publication de l'UQROP citée plus haut, mentionnons les photos de Christian Fritschi et cette photo de Richard Dupuis qui a été choisie comme photo de couverture par l'UQROP pour sa page Facebook.

Cette relâche a suscité beaucoup de réactions et de questions dans les réseaux sociaux (voir en particulier les commentaires qui suivent l'annonce sur Facebook par l'UQROP de sa prochaine relâche)
  • Plusieurs étaient inquiets devant la perspective que Spirit - qui est relativement âgée pour un faucon pèlerin - doive de nouveau chasser sa nourriture et peut-être même se battre. Certains ne cachaient pas qu'ils auraient préféré qu'elle ne soit pas relâchée. Outre que l'option du maintien en captivité se serait vraisemblablement heurtée à un obstacle financier (ou aurait drainé des ressources financières qui n'auraient alors plus été disponibles pour d'autres oiseaux qui en auraient eu plus besoin), il est loin d'être évident que Spirit aurait été heureuse entre 4 murs malgré la protection et les repas garantis. Concernant les éventuelles batailles, Spirit aura toujours le choix de les éviter en s'installant dans un territoire non revendiqué par un couple nicheur: les secteurs qui ne sont pas propices à la nidification du faucon pèlerin (absence de falaises, de ponts ou d'édifices élevés) ne devraient pas manquer au Québec. Il est bien sur possible qu'elle cherche à fonder une nouvelle famille ou même qu'elle tente de récupérer son territoire de l'Université de Montréal: dans ce cas elle devra vraisemblablement se battre mais ce sera alors son choix. En restant en captivité, elle n'aurait eu aucun choix. Rappelons aussi que la mort fait partie de la vie: Spirit mourra dans un avenir plus ou moins rapproché mais cela est dans l'ordre des choses.
  • D'autres se sont demandés pourquoi Spirit n'a pas été relâchée à l'endroit où elle a été trouvée ou bien à l'université de Montréal. Une réponse qui a été donnée est que Spirit aurait été inutilement stressée par le voyage en cage alors qu'elle peut facilement revenir à Montréal par ses propres moyens (55km n'est rien comparé à la distance Montréal - Brésil enregistrée il y a quelques années par un faucon pèlerin muni d'un émetteur). Une autre raison est que Spirit aurait pu être amenée à se battre immédiatement après sa relâche si celle-ci avait eu lieu à l'Université de Montréal ou près de Décarie. Pour l'Université de Montréal, cela fait peu de doute puisque cet endroit est maintenant occupé par la femelle qui a causé ses blessures. Pour ce qui est de l'endroit où elle a été trouvée, c'est un peu moins clair puis qu’aucune observation récente de faucon pèlerin n'a été faite dans ce secteur mais il a été établi qu'un couple de faucon pèlerin fréquentait ce secteur dans les jours et les semaines suivants le sauvetage de Spirit, voir par exemple cet article.
  • Plusieurs demandaient si Spirit  retournera à l'Université de Montréal. Basé sur ce qui s'est passé ailleurs, il est tout à fait possible en effet que Spirit tente un retour. Mais à moins qu'elle réussisse à vaincre sa rivale ou qu'elle soit trouvée blessée à proximité de l'université, il est peu probable qu'on saura si elle a tenté un tel retour. Quelqu'un (Micheline Arcand) a fait référence à ce qui s'est passé à Dorchester, dans l'état de New-York. L'histoire très riche de ce site est décrite ici (en anglais). En particulier, en 2012, Beauty, la femelle résidente blessée lors d'une bataille territoriale, a été relâchée d'un centre de réhabilitation  située à environ 70kms de son nid. Quelques jours plus tard, elle était de retour au nichoir, sa rivale ayant trouvé la mort heurtée par une voiture alors qu'elle chassait un pigeon. Je suis convaincu qu'il existe également des cas où une femelle réhabilitée a formé un couple ailleurs. Finalement une dernière possibilité est que Spirit termine sa vie en solitaire. Un cas très intéressant à cet égard est celui de Grand Morne, dans les Chaudières Appalaches, où une femelle nicheuse qui avait été munie d'un émetteur continue d'être présente dans la région après qu'elle ait été remplacée par une autre femelle (source: ornitho-qc).

 

Une vidéo

Alexandre Sheldon, le réalisateur du documentaire "Algo, Polly & Turcot" (voir à ce sujet cet article) a produit la vidéo "Saving Spirit" qui raconte les déboires de Spirit et qui documente une partie des soins qu'elle a reçu à l'UQROP.  Cette courte vidéo (d'une durée de 2mn40) est absolument à voir pour sa qualité professionnelle et pour les éléments nouveaux qu'elle apporte, en particulier concernant les soins à l'UQROP. Malheureusement une petite erreur de mois s'est glissée dans la narration des évènements par Christian Fristchi: ce n'est pas le 26 juin que la bagarre dans le nichoir a eu lieu mais le 26 avril. Dans la mesure où l'état de santé de Spirit s'était visiblement amélioré après cette bataille spectaculaire, les blessures qui ont finalement cloué Spirit au sol ont probablement été plutôt causées par des batailles subséquentes,  qui ont vraisemblablement culminé le 11 juin avec la disparition de Spirit de l'Université de Montréal. Ce qui suit est un rappel plus détaillé des faits.

Tout comme en 2016, Spirit a du défendre son territoire - l'université de Montréal - contre une autre femelle. Le 26 avril, les accrochages observés les jours précédents font place à une spectaculaire bataille de plus de 30 minutes dans le nichoir. Les 2 faucons chutent de plusieurs dizaines de mètres. Quelques minutes plus tard, l'intruse se présente dans le nichoir: elle semble alors être la gagnante. Mais le lendemain matin Spirit regagne le contrôle du nichoir. Malgré ses blessures, elle résiste aux assauts de sa rivale pendant plusieurs jours avant que les attaques ne s'estompent.

Le 17 mai, énorme surprise quand Spirit pond un 3ième œuf, 1 mois après les 2 premiers! Cet œuf, contrairement aux 2 premiers, est couvé par Spirit, ce qui relance l'espoir de voir naitre un fauconneau. Les attaques semblent avoir complètement cessé.

Un premier dérangement notable de la couvaison est observé le 4 juin. La situation se dégrade à partir du 7 juin. Le 10 juin, Richard Dupuis enregistre une dizaine de passes rapides de l'intruse sur Spirit, dont la dernière provoque la chute de Spirit de la tour. Spirit est vue la dernière fois au nichoir à 16h54. Le lendemain matin, Spirit a manifestement tenté un retour comme elle l'avait fait le 26 avril. Mais elle a échoué. À 7h32, sa rivale présente des blessures fraiches qui laissent craindre le pire pour la perdante, c'est-à-dire Spirit. Voir cet article pour plus de détails.

Spirit ne sera revue que le 24 juillet, alors qu'un camionneur la signale au sol dans la cour d'une entreprise près de l'Échangeur Décarie. Un autre faucon pèlerin au comportement territorial est observé les jours suivants sur la tour d'eau au pied de laquelle Spirit a été trouvée. Ce faucon pourrait être un des membres du couple observé non loin de là au CÉGEP de Saint-Laurent à la fin août. Même si on ignore exactement ce qui a amené Spirit au sol, l'hypothèse d'une brève confrontation avec cet autre faucon ne peut pas être exclue.

Suite au signalement du camionneur, l'UQROP a demandé à un de ses bénévoles - Christian Fritschi - de récupérer Spirit et de l'amener à la Clinique des Oiseaux de Proie de Saint-Hyacinthe. Là-bas il a été constaté que le faucon avait plusieurs plaies autour du bec, de l'arthrite à l'aile droite et était très maigre (l'arthrite était une arthrite septique, c'est-à-dire une infection de l'articulation causée par une blessure antérieure, plutôt qu'une arthrite chronique associée à l'âge, ce qui explique que Spirit ait pu être complètement guérie). Une radiographie a par la suite montré également une fracture de la hanche. Spirit a été traitée à la Clinique des Oiseaux de Proie puis placée dans une volière de Chouette à Voir le temps que ses blessures guérissent, avant d'être finalement relâchée le 19 novembre.

Un article de l'UQROP

Le 15 décembre 2017, l'UQROP publie sur son site un article sur Spirit avec des photos inédites et un fait nouveau, en tout cas pour ceux qui n'ont pas visité Spirit à Chouette à Voir: les radiographies ont permis de constater la présence d'un plomb de carabine dans son corps! L'article ne se prononce pas sur quand elle a été tirée, il se pourrait que cela soit arrivé lors du voyage qui l'a amené de son Ohio natal jusqu'à Montréal.

Un grand merci à l'UQROP pour en premier lieu les soins qu'elle a apportée à Spirit et qui ont permis un rétablissement complet de cette dernière, mais aussi pour l'information sur cette opération de réhabilitation.





Cet article a été publié le 29 décembre 2017.

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