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dimanche 14 juin 2020

Intervention médicale au nichoir de faucon pèlerin de l'Université de Montréal suite à une infestation de mouches, 1 fauconneau mort

Dans l'après-midi du 27 mai Eve Belisle remarque que les nombreux points noirs sous les ailes de certains fauconneaux sont, au moins en partie, des insectes! Une vidéo est envoyée au Docteur Guy Fitzgerald, responsable de la Clinique des oiseaux de proie, qui recommande une intervention. Cette intervention a lieu tôt le lendemain matin mais il est malheureusement trop tard pour le plus jeune fauconneau qui a entre-temps succombé. Le cadavre et les 2 fauconneaux survivants sont emmenés à la Clinique des oiseaux de proie par Eve Belisle, où les 2 fauconneaux survivants sont examinés, traités et nourris avant d'être retournés l'après-midi même dans le nichoir. Un 2ième traitement insectifuge est administré sur place aux fauconneaux le lendemain après-midi  par Eve Belisle et son équipe. Les 2 fauconneaux ont maintenant 3 semaines et semblent en pleine forme. C'est la première fois qu'une infestation par des insectes était observée au nid de faucon pèlerin de l'Université de Montréal.

Cette intervention médicale a été décidée et réalisée en très peu de temps et a probablement évité d'autres décès. Un grand merci à toutes les personnes impliquées:
  • Eve Belisle pour la coordination, les interventions et les transports Montréal-St-Hyacinthe;
  • Le personnel de la Clinique des oiseaux de proie, plus particulièrement Guy Fitzgerald (vous pouvez si vous le souhaitez contribuer de différentes façons à la réhabilitation des oiseaux de proie: www.uqrop.qc.ca/fr/uqrop/comment-aider);
  • L'Université de Montréal, plus particulièrement les gens de la Régie des Immeubles ainsi que les 2 personnes qui ont assisté Eve Belisle lors des interventions au nichoir.

 

Les signes d'infestation

Voici une photo prise à 15h16 le 27 mai montrant les points noirs sur un des fauconneaux.
Points noirs sur un des fauconneaux (crédit: fauconsudem.com)
Une partie des points noirs pourraient correspondre à de la saleté (en fait, les excréments des mouches) mais ce qui a alarmé est que sur la vidéo on peut voir également de nombreuses petites mouches. Ces mouches ont plus tard été identifiées comme des mouches Carnus.  Ces mouches se nourrissent du sang des oisillons, ce qui les affaiblit et peut aller jusqu'à provoquer leur mort.

Comme c'était la première fois qu'une telle infestation était observée, 2 signes n'ont pas sonné l'alarme:
  • Les fréquentes chutes sur le dos des fauconneaux, causées par leur état de faiblesse. Dans la mesure où ces chutes n'empêchaient pas les fauconneaux de manger, elles étaient plus comiques qu'alarmantes. On peut voir de telles chutes dans les publications Facebook suivantes de Faucons de l'UdeM: 24 mai, 25 mai et  26 mai (certaines des chutes pourraient être causées par le très jeune âge du fauconneau, notamment le 24 mai).
  • Une couleur plus pâle de la peau (remarque faite a posteriori par une infirmière sur le chat de la caméra).
À 20h38 Faucons de l'UdeM a annoncé sur Facebook la mauvaise nouvelle ainsi que l'intervention du lendemain.

Décès du 3ième fauconneau

Le plus jeune des fauconneaux (le petit miraculé de l'"œuf aplati", voir cet article) est décédé dans la nuit du 27 au 28 mai. Le 27 mai les fauconneaux sont laissés seuls de 18h58 à 19h08 et étaient tous vivants d'après la séquence de photos archivées. Le 28 mai le premier repas de la journée est donné à partir de 4h57; le fauconneau git immobile dans le nichoir pendant que ses frères/sœurs se disputent la nourriture.

 

Interventions médicales

Premier traitement le 28 mai

La capture des fauconneaux a été effectuée peu avant 7h30 le 28 mai et a duré moins de 2 minutes. Les 2 adultes étaient présents et alarmaient, Eve étant la plus combative (elle a d'ailleurs dans un premier temps refusé de quitter ses petits) tandis que Sphinx effectuait des passages rapides plus haut. Les adultes ont cessé d'alarmer aussitôt après le départ des humains. Eve s'est rendue immédiatement dans le nichoir où elle est restée jusqu'à 8h40.  À 8h40 Sphinx - qui était perché à droite du nichoir depuis 8h13 - remplace Eve dans le nichoir. J'ai alors observé Eve voler haut au-dessus du campus. J'ai pensé dans un premier temps qu'elle était en mode recherche de proies mais je n'écarte pas la possibilité qu'elle cherchait plutôt les fauconneaux. 4 minutes plus tard elle était de retour sur la tour. Sphinx s'est alors envolé du nichoir et Eve l'y a remplacé. Eve est restée dans le nichoir jusqu'à 11h09 avant de recommencer son manège: vols hauts au-dessus du campus. À partir de ce moment les faucons sont la plupart du temps absents de la tour, avec de brèves visites de l'un d'eux à intervalle régulier. De 11h45 à 13h30 (période où j'avais en grande partie interrompu mes observations) les archives photo comportent une seule photo montrant un faucon dans le nichoir, à 12h34.

Pendant ce temps les 3 fauconneaux avaient été acheminés par Eve Belisle à la Clinique des oiseaux de proie où ils ont été examinés par le Dr Guy Fitzgerald et son équipe. Les 2 survivants ont ensuite été traités et nourris, et l'un d'eux a été identifié avec une marque bleue sur la tête. En début d'après-midi les 2 fauconneaux survivants étaient prêts à être remis dans le nichoir.  Cette opération a eu lieu de 13h31 à 13h34. Eve - qui était revenue du Cimetière à 13h26 - s'est empressée de rejoindre les 2 fauconneaux: une courte vidéo des retrouvailles a été publiée par Eve Belisle en commentaire de la publication où elle annonçait le retour des fauconneaux (voir aussi cette publication de 9h29 pour la première partie de l'opération).

La vidéo suivante montre la capture des fauconneaux ainsi que leur retour, vu de l'extérieur.

Les fauconneaux ont été nourris par Eve moins de 1 heure après leur retour, à partir de 14h15.
Eve nourrit les 2 fauconneaux (crédit: fauconsudem.com)

De cette journée à l'Université de Montréal j'ai également ramené une vidéo de Sphinx mangeant sur la façade de la chapelle à partir de 18h05. Un 3ième faucon pèlerin est passé au-dessus du nichoir pendant son repas, voir cette publication Facebook. Sphinx a ensuite amené les restants de la proie à Eve qui l'a utilisée pour nourrir les fauconneaux.

Second traitement - 29 mai

Un second traitement contre les insectes a été appliqué aux fauconneaux le lendemain à partir de 13h46. Les fauconneaux étaient de retour dans le nichoir moins de 15 minutes plus tard. Voici une vidéo du traitement partagée par Faucons de l'UdeM: 
Second traitement (vidéo de fauconsudem.com)
Faucons de l'UdeM rend compte de ce 2ième traitement dans cette publication Facebook.

Des fauconneaux en bonne santé - 13 juin

Bien que quelques mouches aient pu subsister aucun autre traitement n'a été jugé nécessaire. Les fauconneaux sont maintenant âgés de 3 semaines et sont en pleine forme.

Les 2 fauconneaux le 13 juin à 18h52 (crédit: fauconsudem.com)


Quelques cas similaires d'infestation par la mouche Carnus

Cette rapide revue se limite aux territoires géographiquement "proches" de Montréal et n'est en aucun cas exhaustive.

 

Québec

Ce parasite n'avait jamais été rencontré sur des oiseaux de proie (toute espèce confondue) examinés à la clinique des oiseaux de proie d'après le Dr. Guy Fitzgerald.

Massachusetts

Je suis tombé sur ce cas en faisant une recherche avec le mot-clé "infestation" dans le forum Bird Cams Around the World.  Ça c'est passé en 2015 à un nid de faucon pèlerin de l'Université du Massachusetts à Amherst. Le premier fauconneau est né le 2 juin avant 9h30; le 2ième le 4 juin vers 6h30 (une photo publiée dans le forum ainsi qu'une vidéo montrent le père déplaçant le 2ième bébé encore tout humide en le tenant par le bec!). Le 7 juin une première publication fait référence à un fauconneau souvent sur le dos; le lendemain ce fauconneau rate un repas au complet et des points noirs sont visibles. L'après midi du 9 juin le benjamin est retiré du nid, traité et nourri, puis remis dans le nichoir (les 2 œufs non éclos ont été récupérés par la même occasion). Le 2ième fauconneau a été traité à son tour le lendemain. Les 2 fauconneaux ont survécu et se sont envolés du nid. À la fin de la saison le nichoir a été soigneusement nettoyé. Le parasite a par la suite été identifié comme étant la mouche Carnus hemapterus.

Comme j'étais en contact avec Thomas French, responsable à l'époque du programme de faucon pèlerin au Massachusetts, au sujet de la femelle du Massachusetts qui niche maintenant à Laval, j'ai évoqué la situation à l'Université de Montréal et je lui ai demandé s'ils avaient eu d'autres cas d'infestation par cette mouche. La réponse a été négative. De plus les vétérinaires consultés n'avaient jamais vu ce parasite sur aucun oiseau de proie du Massachusetts.

Fait intéressant la femelle de cet unique cas au Massachusetts est originaire de Sorel (Québec) où elle a été baguée le 6 juillet 2013 (numéro de bague = S71). Il s'agit probablement d'une coïncidence mais on pourrait aussi imaginer que les faucons pèlerins du Québec soient mal armés génétiquement pour se défendre contre la mouche Carnus hemapterus si elle est relativement nouvelle dans la région. Une étude effectuée en Europe semble en effet avoir montré un lien entre génétique et résistance au parasite. Plus spécifiquement les chercheurs ont établi un lien entre les motifs sur le plumage de la chouette effraie (Barn owl) et sa résistance à ce parasite: plus ce pattern est accentué moins les bébés sont atteints sévèrement par le parasite,  et ce résultat vaut même lorsque les bébés ne sont pas de cette femelle.  Voici le lien vers cet article: https://academic.oup.com/beheco/article/12/1/103/392393 paru dans le journal Behavioral Écology en 2001.

New Jersey

Dans sa réponse Thomas French m'a appris que Carnus hemapterus affectaient les nids de faucon pèlerin du New Jersey et m'a invité à consulter ce document. Il s'agit du bilan du programme de faucon pèlerin pour 2019 au New Jersey. On y lit que les fauconneaux âgés de moins de 2 semaines de plusieurs nids ont été traités pour réduire l'infestation par la mouche Carnus hemapterus, que ces mouches étaient abondantes à certains nids et pas nécessairement aux mêmes qu'en 2018, qu'elles ont possiblement causé des mortalités à 1 nid, et ces mouches ont été détectés à quasiment tous les nids sur la côte. Dans un courriel l'une des coauteurs de ce rapport - Kathleen Clark - a apporté des précisions additionnelles, notamment sur les traitements qu'ils effectuent, informations que j'ai fait parvenir à Eve Belisle et au Dr. Guy Fitzgerald.

Quelques remarques personnelles

On peut présumer qu'il existe des facteurs qui provoquent une explosion de la population de ces mouches et que ce n'est que lorsqu'elles s'attaquent en grand nombre à un fauconneau qu'elles peuvent mettre sa vie en danger. Il n'est donc pas exclu que ces mouches étaient déjà présentes les années précédentes mais en nombre trop petit pour qu'elles causent un problème et soient remarquées. Dans le cas de Montréal on peut se demander si la longue éclosion de l'"œuf aplati" avec présence de sang n'a pas facilité le développement de ces insectes. La canicule exceptionnelle qui a frappé Montréal du 26 au 29 mai a aussi été évoquée.

Une des explications qui a été avancée pour l'"œuf aplati" est que l’œuf aurait été "écrasé" par un adulte maladroit.  On pense ici bien sur à Sphinx qui selon certain(e)s serait à sa première nidification. Or dans le cas du Massachusetts, la femelle était âgée de seulement 2 ans et l'âge du mâle a été estimé à 2 ans aussi; de plus il y a eu un écart de presque 48h entre les 2 éclosions, un indice que la naissance du 2ième fauconneau (le plus touché) a pu être longue et/ou problématique.

Au moment de publier cet article il n'a pas été confirmé que la mouche Carnus qui a affecté les faucons pèlerins de l'Université de Montréal appartient à l'espèce Hemapterus.



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