Depuis le 28 mars au moins, une nouvelle femelle faucon pèlerin est présente au pont Jacques-Cartier: il s'agit de Gideon, née en 2024 à Don Mills, un quartier de Toronto. Cet article, qui couvre la période du 28 mars au 6 avril, fait le point sur ses premiers jours au pont Jacques-Cartier.
Gideon sur le pont Jacques-Cartier, 6 avril
Remerciements et crédits: l'identification de cette femelle n'aurait pas été possible sans le travail de baguage réalisé par la Canadian Peregrine Foundation à plusieurs nids en Ontario. En plus d'avoir bagué cet oiseau, cet organisme partage de nombreuses photos et compte-rendus d'observation sur leur page Facebook, qui m'ont permis d'identifier le soir même l'oiseau. Une partie de cet article - sur l'histoire de Gideon - utilise largement ces informations. Un grand merci à eux pour leur travail et leur générosité. J'aimerais aussi remercier Sylvain Cusson pour ses observations et pour avoir contribué à remettre en haut de mes priorités l'identification de ce faucon.
28 mars 2025: première observation, chassée par un adulte
En approchant du pilier 23 à 17h30 j'ai entendu des vocalises. Je n'ai pas tardé à repérer la femelle immature sur le pilier 23 du côté aval.
Elle s'est envolée à 17h33 et s'est perchée sur le pilier suivant (le 24), en continuant de vocaliser. Elle s'est envolée à nouveau à 17h35 et a contourné le pilier. Quelques secondes plus tard il y avait 2 faucons en vol et beaucoup de vocalises. Un des faucons - apparemment un adulte - s'est ensuite perché sur le garde-fou du pilier 24.
À 17h42 j'observe une poursuite assez intense entre un adulte et l'intruse, dont un petit aperçu est donné par cette vidéo.
À 17h59 un faucon est de retour sur le garde-fou du pilier 24. Il y est toujours à 18h05. À 18h08 un faucon s'éloigne en ligne droite vers la station de métro Jean-Drapeau, une direction de déplacement que je n'avais jamais observée précédemment. Je constate alors qu'il n'y a plus de faucon sur le garde-fou du pilier 24.
À 18h10 un faucon est de nouveau sur le garde-fou du pilier 24.
Faucon pèlerin sur le garde-fou du pilier 24, 28 mars 18h20
À 18h22 j’aperçois un autre faucon se diriger vers la partie non visible du pilier 24; il y avait à ce moment-là toujours un faucon sur le garde-fou du pilier 24. 1 minute plus tard j'observe une poursuite entre 2 faucons; j'ai pris quelques secondes pour vérifier que le faucon sur le garde-fou n'avait pas quitté son perchoir mais en l'absence de photo je ne peux pas exclure totalement une erreur. C'est cependant ma meilleure indication qu'il y avait 3 faucons pèlerins.
1er avril 2025: revue à 2 moments différents de la journée; premier soupçon qu'elle est baguée
Un premier passage près du pilier 23 le 1er avril entre 9h43 et 10h07 ne m'a pas permis de voir ou d'entendre de faucon.
À mon retour à 12h01 on pouvait entendre des vocalises et 2 faucons pèlerins étaient en vol près du pilier 23. Il y a eu des perchages mais je n'ai jamais réussi à localiser un faucon alors qu'il était perché. Certains des perchages étaient apparemment sous le tablier du pont entre 2 piliers.
À 12h53 des vocalises attirent mon attention sur la femelle immature sur l'étroite corniche du pilier 24. Elle semblait s’intéresser à l'équivalent du coin de corniche du pilier 26 où se trouvait le nid en 2024. Elle s'est envolée à 13h; j'ai quitté à 13h10.
Déplacement vers le coin de corniche du pilier 24, 12h53
Localisation de la femelle sur le pilier 24
Le même jour vers 16h15 Sylvain a été témoin d'une interaction entre la femelle immature et un autre faucon pèlerin, avec des vocalises: la femelle se trouvait sur l'étroite corniche du pilier 24 et l'autre faucon est passée en vol devant elle à plusieurs reprises pendant 10 minutes. Ses photos de la femelle semblent montrer une bague:
1er indice que la femelle est baguée, 1er avril vers 16h15 (crédit Sylvain Cusson)
Le 28 mars j'avais peu d'espoir que cette femelle serait revue près du pont Jacques-Cartier. Mais le fait qu'elle a été observée à 2 reprises le 1er avril suggérait au contraire qu'elle semblait vouloir s'installer. Il devenait dès lors possible et important de déterminer si elle était baguée et si oui de tenter de l'identifier, surtout si des photos suggéraient qu'elle était effectivement baguée. La jeune femelle aurait en effet pu être Estebane, baguée en 2024 à son nid de la tour de l'Université de Montréal.
J'ai repéré la femelle immature à 15h27 sur le pilier 23 côté aval après avoir vu un faucon en vol sembler s'y poser à 15h23. Elle s'est envolée à 16h18. Entre-temps elle appelait par intermittence. Quelques étirements de sa part m'ont permis de photographier ses bagues mais à part cela elle n'a pas bougé beaucoup. La vidéo suivante montre ses appels ainsi que son envol.
Elle s'est envolée en direction de la bretelle d'accès du pont à l'ile Sainte-Hélène. Sylvain Cusson, qui m'avait rejoint, a pris son vélo pour tenter de la relocaliser. Il l'a trouvée tout près de là au sol en train de boire dans une flaque d'eau du parking! Malheureusement elle s'est envolée avant qu'il n'ait pu prendre des photos. Elle a disparu au niveau du pilier 24 et on a entendu des discussions.suggérant qu'il y avait plus que 1 faucon. Effectivement à 16h27 j'ai repéré un adulte sur le garde-fou du pilier 24 côté aval:
Faucon pèlerin adulte sur le garde-fou du pilier 24, 16h27
L'adulte s'est presque immédiatement envolé. Des vocalises ont continué pendant quelques temps mais elles semblaient venir du côté non visible du pilier 24. À 17h24 un adulte était de nouveau visible sur le garde-fou du pilier 24 mais je n'ai plus revu Gideon.
Photographies de ses bagues
À quelques reprises alors qu'elle était perchée sur le pilier 23 la femelle immature s'est étirée, ce qui a permis de voir ses bagues. Par chance 2 photos donnent un assez bon aperçu de ses bagues.
La première photo montre clairement un collant rouge sur la bague en aluminium de sa patte droite:
La 2ième photo montre sa bague de couleur de la patte gauche. La bague est noire, ce qui suggère une origine canadienne. Les inscriptions sur la bague sont partiellement lisibles. En haut un chiffre 4 est lisible, avec apparemment un autre caractère à sa gauche. En bas on croit reconnaitre la séquence 'AB' mais le B pourrait être un 8.
Identification de Gideon
La photo de la bague de couleur donnait de bons indices de son numéro mais elle n'était pas assez nette pour identifier le numéro avec certitude, rendant difficile un signalement au Bureau du baguage des oiseaux (difficile mais pas impossible: pour les bagues de couleur il est en effet possible de signaler un numéro incomplet ou ambigu mais cela réduit les chances que l'oiseau puisse être identifié). En attendant de tenter de prendre une meilleure photo, j'ai décidé de chercher, sur les réseaux sociaux, les fauconneaux bagués en 2024 et dont le numéro de bague pouvait correspondre.
La couleur noire de la bague de couleur suggérait une origine canadienne et le collant de couleur sur sa bague en aluminium suggérait qu'elle provenait d'un nid suivi par caméra (la diffusion au grand public des images de la nidification augmente le nombre de personnes susceptibles de localiser les juvéniles après leur envol mais ces personnes ne sont pas nécessairement équipés pour lire une bague sur un oiseau distant; un collant de couleur apposé sur la bague en aluminium facilite l'identification du juvénile). Mes soupçons se sont immédiatement tournés vers l'Ontario où se trouvent plusieurs nids suivis par caméra. J'ai commencé par consulter le forum Bird Cams around the World (BCAW) à la recherche des numéros de bague des fauconneaux bagués en 2024. J'ai ainsi découvert qu'à Etobicoke une jeune femelle a été munie d'une bague de couleur avec le numéro 33/AB et un collant rouge a été apposé sur sa bague en aluminium: le sexe, les lettres AB et la couleur du collant correspondaient mais pas le numéro. Ça m'a cependant conforté dans mon impression d'être sur la bonne piste.
Comme le forum BCAW ne donnait pas systématiquement les numéros des bagues pour les nids ontariens (ce forum suit avant tout les nids américains), je me suis tourné vers la Canadian Peregrine Foundation qui opérait des caméras et effectuait des baguages, entre autres activités. Mais surprise: je ne parvenais pas à retrouver leur site. Et pour cause: la Canadian Peregrine Foundation a été dissoute fin 2024! Leur page Facebook est cependant toujours active (on y trouve notamment l'annonce et l'explication de la dissolution dans cette publication du 27 janvier 2025). En reculant dans leurs publications j'ai trouvé d'autres fauconneaux bagués en 2024 avec un numéro se terminant par AB, pour finir par trouver cette publication qui décrit le baguage au site de Don Mills/Amexon: 2 mâles et une femelle ont été bagués, avec les informations suivantes pour la femelle ''GIDEON , 894g, female, 44/AB, red tape''. En revoyant ma photo à la lumière de cette information il est presque évident que le caractère à gauche du 4 est un autre 4; avec en plus le collant rouge sur sa bague en aluminium, j'avais peu de doute que c'était le bon oiseau (j'ai réussi par la suite à prendre une meilleure photo de la bague de couleur, cette photo se trouve en tête de cet article).
Quelques informations sur Gideon
Ces informations sont tirées des publications Facebook de la Canadian Peregrine Foundation. Les liens vers les publications sont donnés au fur et à mesure.
Le nid où est née Gideon s'appelle Don Mills/Amexon. Don Mills est un quartier (''neighbourhood'') de Toronto d'après Wikipedia tandis qu'Amexon est le nom d'une société immobilière canadienne qui gère de nombreux édifices tant résidentiels que commerciaux: le nid se trouve sur un édifice de cette société. Il y a 2 nids connus de faucon pèlerin dans le quartier Don Mills: un qui est désigné simplement par ''Don Mills'' et l'autre qui est désigné par ''Don Mills/Amexon''. Les 2 nids ont produit des fauconneaux en 2024 et Gideon provient du second nid. Aucun des nids ne semble plus être suivi par caméra (le site de Don Mills/Amexon ne l'a apparemment jamais été alors que le lien de la caméra du site de Don Mills trouvé sur le forum BCAW est celui de la Canadian Peregrine Foundation qui a cessé d'exister fin 2024).
Gideon a 2 frères, Lerxst et Peter. Ses parents ne sont pas bagués et portent le nom de Nagata (la femelle) et Holden (le mâle). Lors d'une inspection du nid le 24 mai 2024, le nid contenait un très jeune fauconneau ainsi que 3 œufs non éclos. Le baguage a eu lieu le 17 juin (plus précisément il s'agit de la date de la publication Facebook). Lerxst a été le premier à s'envoler, suivi de Gideon et Peter le 6 juillet 2024. Seulement 4 jours après son premier vol, Gideon a tenté d'attraper une proie lâchée à son intention par son père; elle a échoué mais la proie a été récupérée en vol par sa mère qui suivait Gideon de près: de superbes photos de cette action sont disponibles dans cette publication. Les dernières mentions de Gideon près de son nid se trouvent dans cette publication du 31 juillet 2024 et dans celle du 13 août 2024.
6 avril 2025: Gideon et un adulte chassent ensemble, s'intéressent à une carcasse de goéland au sol
En bref: claire observation de Gideon qui faisait équipe avec un adulte; meilleure photo à date de sa bague; intérêt de Gideon pour une carcasse de goéland (grippe aviaire?)
Le 6 avril à 14h je repère Gideon sur l'étroite corniche du pilier 24. Elle s'envole à 14h10. À14h30 je vois 2 faucons chasser ensemble vers la bretelle d'accès du pont Jacques-Cartier à l'ile Sainte-Hélène. Je me trouvais alors à une certaine distance du pont Jacques-Cartier, en amont de celui-ci. Je décide de couper à travers le parking de la Ronde pour aller du côté de la bretelle vérifier s'ils ont capturé quelque chose. Très vite je découvre sur le parking une carcasse de goéland intacte, excepté pour le ventre qui est ouvert et donc les viscères ont apparemment été partiellement mangés. Rien n'indique que le goéland a été tué par un prédateur, je suspecte plutôt qu'il est mort tout seul puis qu'il a servi de repas à des urubus. Ma crainte est qu'il soit mort de la grippe aviaire (en 2024 à la même période de l'année un couple de faucon pèlerin était décédé de la grippe aviaire dans ce secteur, voir cet article). Il est 14h33.
À 15h14 j'observe un faucon pourchasser un pigeon mais l'attaque échoue. À 15h21 Gideon et l'adulte effectuent des vols à basse altitude au-dessus de la carcasse du goéland, sans doute pour s'assurer que le goéland est mort; l'adulte se perche sur un lampadaire du parking.
Pendant que je rassemblais mes affaires (j'étais en train de luncher) pour me rapprocher de la carcasse, Gideon s'est posée à ses côtés:
Gideon s'intéresse à la carcasse de goéland, 15h24
À mon approche elle s'est envolée et s'est perchée sur un pilier du pont Jacques-Cartier, ce qui m'a permis de prendre une autre photo de sa bague. Je reproduis ici la photo du début de l'article, prise à 15h27
À 15h28 elle s'est mise à alarmer, probablement parce que je me trouvais près de la carcasse; l'adulte, plus mesuré, s'est contenté de vocalises plus ordinaires.
J'ai suspendu ma surveillance des faucons pour finir mon lunch, à proximité de la carcasse. À 16h45 c'est probablement Gideon que j'ai photographié sur l'étroite corniche du pilier 24. Elle y était toujours à 16h58. À 17h11 elle s'est rapprochée de la carcasse en se perchant sur une poutre du pont Jacques-Cartier; un peu plus tôt l'adulte était revenu se percher sur un lampadaire du parking.
Gideon sur une poutre du pont Jacques-Cartier, 17h13
À 17h49 elle a tenté de se poser près de la carcasse malgré que je me trouvais à 5 mètres! J'ai fait un pas en avant, ce qui l'a fait renoncer. Elle a ensuite continué ses vols bas, avant de se percher brièvement sur un arbre. Lorsqu'elle s'est envolée et qu'elle est repassée de l'autre côté du pont, je me suis dépêché de récupérer un sac poubelle abandonné que j'avais repéré un peu plus tôt et j'ai enlevé la carcasse. J'ai quitté immédiatement après pour aller me laver les mains même si a priori je n'avais pas touché directement à la carcasse. Voici une vidéo montrant des vols bas de Gideon peu après que je l'ai découragée de se poser près de la carcasse:
Voir aussi ma publication Facebook du 6 avril pour d'autres détails et photos (à noter que dans le présent article je suis davantage prudent sur le sexe de l'adulte qui accompagnait Gideon: compte tenu de son jeune âge elle pourrait encore être prise en charge par une femelle adulte, surtout si on prend en compte le précédent de 2023 à ce pont: l'adulte n'était donc pas nécessairement un mâle)
Article mis à jour le 3 mars 2025: légères modifications du texte et ajout de la première photo
Avec les travaux actuellement en cours sur la Tour de la Bourse, le nichoir de faucon pèlerin situé sur l'édifice de la Banque Royale (360 rue Saint-Jacques) pourrait être une solution de remplacement pour le couple de faucon pèlerin qui nichait sur la Tour de la Bourse. Ce nichoir a été visité par les faucons pèlerins en 2021 et en 2024 (et probablement à d'autres années) mais n'a pas été retenu. Pourtant des faucons pèlerins ont déjà niché dans le passé sur l'édifice de la Banque Royale. Mes observations ont permis d'identifier 2 irritants potentiels qui pourraient expliquer que les faucons n'adoptent pas ce nichoir, dont 1 qui pourrait être corrigé relativement facilement.
Cet article est organisé de la façon suivante: les 2 premières sections sont consacrées respectivement aux anciennes boites de nidification et au nichoir actuel. Dans la 3ième section je mentionne mes observations de visites de faucon pèlerin au nichoir actuel dans le contexte des travaux en cours sur la tour de la Bourse. La 4ième section expose des irritants que j'ai identifiés.
Remerciements: merci à Eve Belisle et Robert J. Galbraith pour leurs réponses à mes questions (et à Eve Belisle pour la permission de reproduire une de ses photos). J'ai également soumis des questions par courriel au professeur David Bird, qui m'a proposé une conversation téléphonique, formule que j'ai déclinée; merci cependant à lui pour son ouverture Merci également à Marilou Skelling et à Sarah Gagnon d'Environnement Faucon pour leurs informations sur les boites de nidification de la tour de la Bourse en 2021, ainsi qu'à Sylvain Cusson pour ses observations.
Édifice de la Banque Royale avec son nichoir, vu de la Basilique Notre-Dame
1. Installation d'une première boite de nidification en 1982 et nidifications subséquentes
Apparemment jusqu'à 3 boites de nidification (une boite de nidification est une simple caisse remplie d'un matériau dans lequel les faucons peuvent creuser une cuvette) ont été installées sur différentes corniches de l'édifice de la Banque Royale dans les années 1980s. Voici ce que j'ai pu reconstituer.
En 1982 Robert Galbraith et sa femme ont installé, avec l'accord des gestionnaires de l'édifice, une première boite de nidification sur l'édifice de la Banque Royale. Cela faisait alors 6 ans que des faucons pèlerins nés en captivité avaient commencé à être relâchés au Québec pour tenter de sauver l'espèce des effets nocifs d'un insecticide (le DDT).
En 1984 un couple de faucon pèlerin s'est plutôt intéressé à la Tour de la Bourse, ce qui a amené Robert Galbraith à installer une boite de nidification également sur cet édifice. Cette boite de nidification a été adoptée par les faucons pèlerins qui ont pondu 4 œufs dont 2 ont éclos. Les 2 fauconneaux se sont envolés avec succès. En 2020 Robert Galbraith a publié des photos de cette nidification sur sa page Facebook.
Il n'est pas clair si ces installations ont été faites par Robert Galbraith à titre personnel ou dans le cadre de son travail au MacDonald Raptor Research Centre de l'Université McGill. Suite à la nidification de 1984 à la Tour de la Bourse, ses relations avec le professeur David Bird se sont dégradés au point où il a perdu tout accès aux boites de nidification. Cet épisode est raconté en détail dans l'article ''The Birdman of Old Montréal'' paru dans Montréal Calendar Magazine en septembre 1984.
En 1985 les biologistes ont vécu une incroyable saga racontée de façon succulente par le professeur David Bird dans un article publié dans le bulletin du trust des oiseaux de proie et reproduit à la fin du Quatrième inventaire quinquennal (1985) du faucon pèlerin au Québec. Pour commencer, la femelle a pondu 3 œufs à 3 endroits différents: 1 à la tour de la Bourse et 2 à des endroits différents de l'édifice de la Banque Royale... La femelle a rapidement abandonné celui de la tour de la Bourse et s'est mise à faire la navette entre les 2 emplacements de la Banque Royale. Le mâle a ensuite disparu, remplacé par une autre femelle qui semblait se prendre pour un mâle (l'article parle de bisexualité...); 2 autres faucons pèlerins sont apparus dont 1 mâle qui courtisait tour à tour les 2 femelles et tentaient de les attirer à un 3ième nichoir sur l'édifice de la Banque Royale... Les œufs, qui n'avaient plus aucune chance d'éclore, ont été regroupés dans un même nichoir dans l'espoir de convaincre une des femelles de les couver, ce qui s'est produit. Au moment où les œufs auraient du éclore, ne voulant pas risquer de précieux fauconneaux pèlerins, les biologistes ont remplacé les œufs par des oisillons crécerelles d'Amérique beaucoup plus facile à reproduire en captivité... Puis constatant que les faucons pèlerins s'en occupaient correctement, les oisillons crécerelles ont été remplacés par 2 fauconneaux pèlerins nés en captivité. Les 2 fauconneaux se sont envolés avec succès.
En 1990 un couple a niché sur l'édifice de la Banque Royale mais ses œufs n'ont pas éclos. Le couple a à la place élevé 3 fauconneaux nés en captivité qui lui ont été confiés (source: Cinquième inventaire quinquennal du faucon pèlerin au Québec).
Le 22 juin 1991le quotidien La Presse rapporte que la veille le professeur David Bird est monté au sommet de l'édifice de la Banque Royale pour baguer 4 fauconneaux. La nichée est qualifiée d'exceptionnelle et il n'est fait mention d'aucune mise en adoption: il pourrait donc s'agir d'une nidification entièrement naturelle. Le couple était formé d'un individu né en captivité et d'un individu sauvage.
D'autres nidifications ont vraisemblablement eu lieu sur l'édifice de la Banque Royale, en particulier entre 1985 et 1990. Dans cette publication de la Migration Research Foundation il est en effet indiqué que les faucons pèlerins ont alterné entre l'édifice de la Banque Royale et la tour de la Bourse pendant presque une décennie avant de se fixer à la Tour de la Bourse. Il n'est pas clair quand les boites de nidification ont été retirées de l'édifice de la Banque Royale.
2. Installation d'un nouveau nichoir en 2010
Fin juillet - début août 2010 Eve Belisle et Simon Duval ont installé un nichoir qualifié de luxueux (en particulier, contrairement aux boites de nidification, il est muni d'un toit et d'une plateforme) sur l'édifice de la Banque Royale d'après cette publication du blogue Histoires de Faucons à l'Université d'Eve Belisle. La publication mentionne que les anciens nichoirs étaient hors d'usage depuis plusieurs années.
Nichoir installé durant l'été 2010 (crédit: Eve Belisle)
Le nichoir a par la suite été légèrement déplacé à une date inconnue à son emplacement actuel.
3. Travaux sur la tour de la Bourse: les faucons pèlerins inspectent le nichoir de l'édifice de la Banque Royale
3.1. Un chantier d'envergure sur la tour de la Bourse
En 2022 des travaux d'envergure s'étalant sur plusieurs années ont débuté sur la tour de la Bourse où nichait un couple de faucon pèlerin depuis plusieurs décennies. Ces travaux visent à remplacer les panneaux de béton qui recouvrent les colonnes de coin du bâtiment d'après le Comité de bon voisinage Place Victoria. Dans la section FAQ (consultée le 28 février 2025) on peut lire que le chantier devrait durer entre 40 et 48 mois, donc ''que tout devrait normalement être complété à la fin de l’été 2027''. Il est aussi précisé que l'échéancier sera mis à jour périodiquement.
3.2. Visite des faucons pèlerins au nichoir de l'édifice de la Banque Royale en 2021
En prévision des travaux à venir sur la tour de la Bourse, la compagnie Environnement Faucon a été mandatée pour inciter les faucons pèlerins à se trouver un nouvel endroit où nicher. C'est possiblement dans ce but que les boites de nidifications de la Tour de la Bourse ont été laissées fermées au début de 2021.
Le 13 mars 2021, alors que je surveillais la tour de la Bourse depuis la bordure du grand parking du 687 Saint-Paul ouest, je remarque un faucon pèlerin au nichoir de l'édifice de la Banque Royale. Je décide alors de tourner ma caméra vers ce nichoir, ce qui me permet de documenter la visite de 2 faucons pèlerins ainsi qu'une offrande de proie.
Pour plus de détails sur les observations de mars, voir cet article.
Les visites continuent jusqu'à au moins le 5 avril. Le 9 avril une surveillance vidéo du nichoir montre aucune visite, par contre j'observe 2 faucons pèlerins sur la tour de la Bourse! Le couple sera à partir de ce moment régulièrement observé sur la tour de la Bourse. Le mystère du quasi-déménagement au nichoir de l'édifice de la Banque Royale sera éclairci lorsqu'on apprendra que les 2 boites de nidification de la tour de la Bourse ont été rendues disponibles aux faucons pèlerins plus tardivement que d'habitude - possiblement avec l'objectif d'inciter les faucons à déménager tout en leur permettant de nicher une dernière fois sur la tour de la Bourse s'ils ne trouvaient pas de site alternatif. Tout indique que le couple est revenu à la tour de la Bourse quasi-immédiatement après la réouverture des boites de nidification! En fait, même durant la période où les faucons fréquentaient le nichoir de l'édifice de la Banque Royale, un individu était observé par intermittence sur la tour de la Bourse, un individu qui de toute évidence n'avait pas perdu espoir que les boites de nidification soient finalement ouvertes... Le couple n'a apparemment pas eu de fauconneaux cette année-là, voir cet article pour plus de détails.
D'après Environnement Faucon les boites de nidification de la tour de la Bourse ont été retirées durant l'automne 2021 en prévision de travaux à venir sur l'édifice.
3.3. Visite d'un faucon pèlerin au nichoir de l'édifice de la Banque Royale en 2024
Le 10 février 2024 à 11h49 j'ai repéré un faucon pèlerin perché sur le toit du nichoir, qui s'est envolé à 11h58.
Durant cette période l'autre faucon était par intermittence perché au sommet de l'édifice. Tout de suite après, les 2 faucons ont visité ensemble la façade Saint-Jacques de la tour de la Bourse où ils ont finalement niché. Les 2 faucons sont revenus un peu plus tard sur l'édifice de la Banque Royale pour un repas sur la corniche située sous le nichoir.
Repas sous la corniche du nichoir, 10 février 2024 13h27
Le 16 février 2024 Sylvain Cusson a photographié un faucon pèlerin perché à côté du nichoir. L'édifice de la Banque Royale a joué un rôle dans leur nidification sur la tour de la Bourse, essentiellement comme poste de surveillance, mais le nichoir n'a pas été adopté.
4. Des irritants potentiels qui pourraient expliquer la non-adoption du nichoir de l'édifice de la Banque Royale
Selon moi, 2 facteurs pourraient expliquer que l'édifice de la Banque Royale ne soit plus utilisé pour nicher par les faucons pèlerins alors qu'il l'a été dans le passé:
Le nichoir actuel est installé sur la terrasse contrairement apparemment aux boites de nidifications des années 1980 qui l'étaient sur une petite corniche. Le nichoir se trouve ainsi davantage exposé à l'activité humaine.
Des fenêtres près du nichoir sont fortement éclairées après le coucher du soleil.
Déplacer le nichoir sur la petite corniche n'est pas possible en raison de sa forme particulière (une solution plus simple - et possiblement temporaire le temps des travaux à la tour de la Bourse - pourrait être d'ajouter une boite de nidification sur la petite corniche) mais le 2ième irritant pourrait être facilement éliminé par l'utilisation de stores dans les bureaux donnant vers le nichoir.
Dans ce qui suit je développe plus en détails ces 2 points.
4.1 Différence de localisation entre les anciens et nouveaux nichoirs
Je n'ai pas réussi à obtenir de photos montrant l'emplacement des boites de nidification des années 1980s mais selon ma compréhension certaines des boites étaient situées sur la petite corniche située en-dessous de la terrasse où est situé le nichoir actuel, comme le montrent les photos ci-dessous:
Annotation d'une image de Google Maps (crédit: Google)
Cette compréhension s'appuie sur les souvenirs d'Eve Belisle ainsi que sur la mention ''petite corniche'' dans le Cinquième inventaire quinquennal du faucon pèlerin au Québec. Cependant la première boite de nidification installée par Robert Galbraith en 1982 l'a été sur la terrasse.
Le nichoir actuel a apparemment été localisé sur la terrasse par souci de simplicité d'installation ainsi que pour faciliter les éventuelles opérations de baguage. Le choix de placer le nichoir à un coin s'expliquerait par une volonté de minimiser les salissures aux fenêtres des étages inférieurs par les déjections. Ce choix multiplie cependant par 2 les risques d'un dérangement en provenance d'une fenêtre (le 30 avril 2022 une fenêtre près du nichoir semblait ouverte à en juger par un rideau ou un autre matériel qui battait au vent; il n'est pas clair si c'était suffisant pour créer un dérangement mais si par exemple quelqu'un penchait la tête hors de la fenêtre le risque de dérangement augmenterait substantiellement).
Également, bien que la terrasse ne semble pas utilisée en temps normal par les humains, elle peut l'être à l'occasion pour des travaux de maintenance et d'entretien: la position actuelle du nichoir permet aux faucons d'apercevoir un humain sur la moitié de la surface de la terrasse, alors que la visibilité serait quasiment nulle depuis la petite corniche.
4.2. Lumière provenant de fenêtres près du nichoir après la tombée de la nuit
En surveillant le nichoir en fin de journée le 21 avril 2024 pour tenter de déceler des signes de son utilisation par les faucons pèlerins, j'ai observé que des fenêtres situées près du nichoir étaient fortement éclairées.
Fenêtres éclairées près du nichoir, 21 avril 20h07
Le contraste était encore plus marqué une heure plus tard le lendemain soir.
Ce n'est pas à mon avis tant la lumière qui est dérangeante que les ombres d'êtres humains que les faucons pourraient discerner, et cela à un moment de la journée où en tant qu'animal diurne l'anxiété est probablement la plus forte.
La forte luminosité semble suggérer qu'aucun store n'est utilisé. Si c'est le cas, l'utilisation de stores pourrait réduire le dérangement des faucons.