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vendredi 31 juillet 2020

10 juillet: un faucon pèlerin juvénile d'un autre nid visite les 2 juvéniles de l'Université de Montréal!

Cet article a été publié le 6 août et légèrement antidaté de façon à le placer dans le mois de l'évènement.

Le 10 juillet Eve Belisle (la responsable du site Faucons de l'UdeM) a eu le privilège d'observer et de documenter la visite d'un jeune faucon pèlerin mâle aux 2 femelles juvéniles nées sur la tour de l'Université de Montréal. À ma connaissance c'est la première fois qu'une interaction entre des fauconneaux de nids différents est observée à Montréal si tôt dans la saison (les 2 juvéniles de l'Université de Montréal venaient tout juste d'apprendre la veille à remonter sur la tour).

Le juvénile intrus à 17h35 (crédit fauconsudem.com)

L'observation

Cette visite inhabituelle s'est déroulée vers 17h alors que Eve Belisle retransmettait en direct les images de Donna et Vanadis sur la tour (Donna et Vanadis sont les 2 juvéniles nées à l'université). Le juvénile intrus est apparu peu après la livraison par Sphinx d'un repas pour ses 2 filles. Il n'y a eu aucun cri d'alarme malgré que les 2 adultes étaient présents et en vol à ce moment-là (cependant la mère a alarmé 36 minutes plus tôt sans explication alors qu'un faucon pèlerin était en vol, sans toutefois décoller). L'intrus s'est posé à au moins 2 reprises et très brièvement sur la corniche où Donna et Vanadis mangeaient. Il a passé une vingtaine de minutes sur une autre corniche prison de la tour, au coin des façades Polytechnique/Nichoir d'où il était visible par moment de la caméra du nichoir. Il a ensuite effectué plusieurs passages en vol près des filles. Vanadis l'a rejoint et des jeux aériens ont suivi, auxquels s'est joint un adulte.

Retransmission en direct du 10 juillet par Eve Belisle (vidéo de fauconsudem.com)

Le moment exact de début de la retransmission en direct n'est pas connu mais est antérieur à 16h08, moment où j'ai reçu la notification de Youtube pour cette diffusion. Voici les points marquants de la vidéo (le mot "juvéniles" désigne Vanadis et à Donna alors que le juvénile intrus mâle est désigné par le mot "intrus"):
  • 0': les 2 juvéniles sont sur la corniche prison la plus basse de la tour au coin des façades Polytechnique et Avant. 
  • 22': cris d'alarme par la mère (Eve) qui est perchée sur la tour verte; un autre faucon pèlerin est en vol.
  • 57'41: Sphinx livre un repas aux 2 juvéniles. Une des juvéniles qui l'a possiblement vu venir de loin bat des ailes depuis 56' 56.
  • 58'14: Eve Belisle remarque 3 faucons en vol; les 2 juvéniles sont toujours perchées sur la tour.
  • 58'19: on voit un faucon passer de droite à gauche devant les juvéniles.
  • 61'30: Eve Belisle photographie l'intrus perché sur la tour.
  • 62'20: l'intrus se perche brièvement près des 2 juvéniles.
  • 62'38 à 69'27: la vidéo montre l'intrus perché sur la tour, d'abord sur la corniche-prison au coin des façades Nichoir et Polytechnique d'où il est visible par la caméra du nichoir, puis sur la façade Polytechnique. À 63'40: Sola confirme que l'intrus apparait sur la caméra du nichoir; les archives photos de cette caméra contiennent 2 photos datées respectivement de 17h15mn10 et 17h15mn55. L'intrus devient non visible pour cette caméra à 64'40.
  • 77'33 à 81'47: la vidéo montre l'intrus toujours sur sa corniche prison. À 78'19 il redevient visible pour la caméra du nichoir. Si on se fie au temps inscrit sur les photos, cette caméra le voit entre 17h30mn43 et 17h34mn59. À 83'53 Sola signale qu'il a quitté.
  • 84'13: les juvéniles le regardent voler; il se perche brièvement à côté d'elles.
  • 85'57: il se perche sur la tour verte (la caméra du nichoir photographie un faucon sur la tour verte à 17h39mn15).
  • 86'54: il passe en vol devant les juvéniles.
  • 87'10: Vanadis décolle. Eve décolle peu après 
  • 87'34: 3 faucons volent ensemble.
  • 87'36: "papa va s'en mêler". 
  • 89'57: Eve se perche sur l'antenne. Visible sur la vidéo de 92'15 à 93'51, moment où elle s'envole.
  • 90'16: Vanadis et l'intrus sont partis en jouant vers l'École Polytechnique.
  • 94'11 à 100'20: la vidéo montre Donna toujours sur sa corniche prison. .

Faucons de l'UdeM a publié sur sa page Facebook 5 photos dont une qui montre l'intrus perché à côté de Vanadis et Donna ainsi que la vidéo ci-dessous qui montre le juvénile intrus vu par la caméra du nichoir (cette vidéo couvre la période de 17h30mn51 à 17h34mn22).

Visiteur juvénile - 10 juillet 2020 (vidéo de fauconsudem.com)

Le juvénile intrus n'a pas été revu les jours suivants.

 

Déjà une visite de juvénile en juillet 2017

Ce n'est pas la première fois qu'un faucon pèlerin juvénile intrus visite l'Université de Montréal à cette période de l'année. En effet le 12 juillet 2017 un jeune faucon pèlerin de l'année avait été trouvé mort sur le toit du pavillon Marcelle Coutu de l'Université de Montréal. Il n'y avait pas eu de naissance à l'Université de Montréal cette saison-là en raison de batailles territoriales: c'était en effet l'année où la femelle actuelle - Eve - a conquis le territoire de l'Université de Montréal  en chassant Spirit.


Discussions

Les faucons pèlerins qui ont eux-mêmes des juvéniles tolèrent généralement bien des juvéniles dont ils ne sont pas les parents et vont s'en occuper comme si c'étaient les leurs. Ceci vaut également pour d'autres espèces d'oiseau de proie. L'UQROP utilise ce phénomène lorsqu'elle relâche un juvénile guéri de ses blessures sur le territoire d'une famille de faucon pèlerin avec des jeunes du même âge.  Dans la nature, la distance entre 2 nids fait qu'il est plutôt improbable qu'un faucon pèlerin juvénile né ailleurs arrive à un nid actif  au bon moment. Cela a pourtant été observé au Nunavut ainsi qu'à Edmonton, en Alberta.

La technique de mise en adoption utilisée par l'UQROP

Lorsqu'un faucon pèlerin juvénile est retrouvée blessé, par exemple suite à un accident survenu lors de ses premiers vols, il est soigné à la Clinique des oiseaux de proie puis possiblement effectue un séjour de convalescence dans les installations de Chouette à Voir. Lorsqu'il est rétabli il est relâché en priorité chez sa famille mais si cela n'est pas possible ou souhaitable il peut être relâché chez une autre famille ayant des juvéniles approximativement au même stade de développement, en calculant que le juvénile sera adopté par les adultes et apprendra d'eux les techniques de chasse et autres éléments nécessaires à sa survie. Au moins 2 opérations de mise en adoption ont été réalisées par l'UQROP à Montréal ces dernières années:
  • Le 8 juillet 2015 une jeune femelle trouvée blessée à Trois-Rivières a été relâchée par l'UQROP à l'Université de Montréal. Ni les faucons pèlerins adultes (Arthurin et Spirit) ni les 3 femelles nées sur place ne l'ont chassée. D'abord réservée lors de l'arrivée d'un repas, la nouvelle venue était complètement intégrée quelques jours plus tard. Voir cet article.
  • Le 25 août 2016, 2 faucons pèlerins juvéniles ont été relâchés près de l'incinérateur des Carrières en vue d'être adoptés par Eve et Éole. Un des fauconneaux était le leur (il était tombé du nid)  alors que l'autre avait été trouvé au sol pas très loin du métro Vendôme.  Le fait que les juvéniles volaient déjà très bien a compliqué leur observation, seul un des fauconneaux relâchés a possiblement été revu le 28 juillet. Voir cet article.
Plus récemment des mises en adoption ont été effectuées avec succès à un nid de faucon pèlerin situé près de Prévost.

  

Aller-retour d'un faucon pèlerin juvénile entre 2 nids au Nunavut

Dans l'article "Intraspecific Adoption and Double Nest Switching in Peregrine Falcons (Falco peregrinus)" paru dans Arctic (vol. 66 no 2 (2013) p. 222-225), Anctil et Franke rapportent avoir observé un fauconneau mâle de 36 jours se rendre dans un nid voisin occupé par 2 fauconneaux, y passer plusieurs jours et être nourri par les adultes résidents, avant de retourner rejoindre sa sœur à son nid d'origine où il a été nourri par ses parents naturels. Les 2 nids étaient séparés de 536 mètres. Les auteurs affirment qu'il s'agit du premier exemple documenté d'échange de nid chez le faucon pèlerin sauvage.

Aller-retour d'un faucon pèlerin juvénile entre 2 nids à Edmonton

Edmonton compte plusieurs nids de faucon pèlerin  dont celui de l'Université de l'Alberta (au Clinical Sciences Building) et celui de Weber (Weber centre office building). Ces 2 nids sont distants d'environ 3,5kms d'après Google Maps. L'histoire se passe en 2015. Cette année-là une nouvelle femelle niche au site de Weber: il s'agit de Green Girl, née en 2013 au site de l'Université de l'Alberta! Pour sa 1ière nidification Green Girl a 4 fauconneaux nés les 8 et 9 juin; comme elle avait de la difficulté à nourrir correctement sa nombreuse famille, un des fauconneaux a été retiré et élevé ailleurs. Puis 2 autres fauconneaux ont été recueillis au sol après leur premier vol et relâchés au hack site de Pembina (un site naturel qui était jadis utilisé pour relâcher des faucons pèlerins élevés en captivité). Il ne restait donc plus que 1 fauconneau à Weber, surnommé Yellow. Pendant ce temps à l'Université de l'Alberta, Radisson - la mère de Green Girl - avait 4 fauconneaux nés les 6 et 7 juin: de ces 4 fauconneaux un fauconneau malade a été retiré du nichoir le 23 juin et un autre a été relâché à Pembina après avoir été recueilli au sol.

Le 9 août en fin d'après-midi Yellow est surpris par la caméra visitant le nichoir de l'Université de l'Alberta; un peu plus tard 5 faucons sont aperçus simultanément par des observateurs. Yellow est de retour le lendemain matin dans le nichoir, provoquant le départ d'un des fauconneaux locaux. Le 10 août Yellow est de retour chez lui à Weber où il est accueilli en fanfare et avec un repas par ses parents. Mais le lendemain il est de nouveau observé à l'Université de l'Alberta ainsi que les jours suivants, interagissant avec ses parents et frères adoptifs. Sa dernière visite au nichoir de l'Université de l'Alberta date du 20 septembre.  Cette histoire a été documentée dans le forum Bird Cams Around the World par Bev, qui est très impliquée dans le suivi de ces faucons et que je remercie pour m'avoir signalé cet épisode. Une explication possible pour ce changement de nid qui a été avancée par les observateurs est que Yellow, qui était seul à Weber, a été attiré par les jeux des 2 fauconneaux de l'Université de l'Alberta. 

Balbuzard-pêcheur nourri à plus de 200 kilomètres de son nid natal

Un jeune oiseau de proie peut être nourri à plusieurs centaines de kms de son nid natal par d'autres adultes que ses parents. Dans "Long-distance Nest Switching by a Juvenile Osprey (Pandion haliaetus)" paru dans Journal of Raptor Research (2016) 50 (4): 426–427, les auteurs mentionnent un jeune balbuzard pêcheur suivi par télémétrie qui a reçu un poisson d'un adulte après être allé dans le nid de celui-ci. Ce nid était situé à 222km de son nid natal. Le jeune balbuzard intrus a du défendre son poisson contre un juvénile de ce nid.

D'où venait le juvénile intrus de l'Université de Montréal?

Il est impossible de répondre à cette question. Voici à titre indicatif et en ordre croissant les distances approximatives à l'Université de Montréal de quelques sites de nidification connus, calculées avec Google Maps:
  • Église River's Edge: 3,3km. Nid visité par la femelle (Polly) en mars mais aucune raison de penser qu'il y a eu des naissances.
  • Incinérateur des Carrières: 4,1km. Ancien site (de Eve et Éole).
  • Tour de la Bourse: 4,2km. Vraisemblablement au moins 1 juvénile.
  • Échangeur Turcot: 4,4km. Ancien site (d'Algo et Polly).
  • Allez Up: 4,5km. Accouplements observés mais rien n'indique qu'il y a eu des juvéniles.
  • Pont Jacques-Cartier: 6,2km. Couple présent en 2019 mais pas revu cette année.
  • Pont Champlain: 9,6km. Au moins 3 juvéniles.
  • Pont Mercier: 10km. 1 juvénile. 
  • Carrière Lagacé, Laval: 11,4km. 4 juvéniles.
  • Port de Montréal, secteur Louis-H. Lafontaine: 12,8km. Juvénile trouvé au sol.
Il serait bien sur extrêmement présomptueux de penser que tous les nids sont connus. Certains secteurs plus industriels sont peu fréquentés par les observateurs, tandis que d'autres comme par exemple les gares de triages ferroviaires sont interdits d'accès (la gare de triage de Côte-Saint-Luc est par exemple distante de 5,3km de l'Université de Montréal).

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